Entre 2010 et 2015, la gratuité du programme québécois de procréation médicalement assistée (Loi 26) libère les couples d’un fardeau financier important pour le projet familial. En revanche, l’accessibilité des traitements de fertilité ne guérit pas tous les maux : l’infertilité demeure une rude épreuve pour les couples hétérosexuels québécois qui désirent un enfant. Une véritable détresse, qui ne s’exprime pas de la même façon chez les femmes et chez les hommes.
Des chercheuses en psychologie de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal s’intéressent à l’expérience psychologique des hommes et des femmes qui ont eu recours aux traitements de fertilité dans le cadre de ce programme. Pour ce faire, elles s’entretiennent séparément avec les membres de 6 couples hétérosexuels, ainsi qu’avec deux femmes dont le conjoint ne pouvait participer à l’étude.
Un poids plus lourd à porter pour les femmes
L’infertilité : une problématique plus difficile à vivre pour les femmes que pour les hommes. En effet, les femmes de l’étude perçoivent être affectées plus intensément que leur conjoint. Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, elles ont également tendance à se sentir responsables de l’infertilité. Ce constat n’est pas si surprenant. De précédentes recherches s’accordent pour dire que les femmes aux prises avec des difficultés à concevoir se heurtent à davantage d’épisodes dépressifs, d’anxiété ou d’insatisfaction que les hommes.
Bref, c’est l’estime de soi qui en prend un coup ! Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs l’impression que la situation porte atteinte à leur féminité. À l’origine de ce sentiment de culpabilité : l’importante sollicitation du corps de femmes à chaque étape des traitements de fertilité. Ajoutons à cela la forte valorisation du rôle de mère et la pression culturelle et sociale exercée sur les femmes pour qu’elles aient des enfants.
Pour les hommes, en revanche, c’est moins la difficulté à concevoir un enfant que la souffrance de leur conjointe qui les accable. Les participants tentent de lâcher prise en endossant un rôle de soutien qui permet plus de détachement. Une parfaite opposition avec les femmes qui tentent coûte que coûte de garder le contrôle en se focalisant sur la problématique d’infertilité.
Opposés dans la réaction, mais unis dans l’épreuve
Malgré les différences, femmes et hommes se retrouvent soumis aux mêmes montagnes russes émotionnelles. C’est l’alternance entre l’espoir, suscité par le début d’un nouveau cycle de traitement, puis la déception et la colère, causées par son échec. À cette ritournelle s’ajoute aussi un profond sentiment de doute. Les couples ne peuvent s’empêcher de s’interroger sur leur désir d’enfant, la poursuite ou l’abandon des traitements, leurs choix et leurs habitudes de vie. À quoi bon s’acharner à être parents, si le stress devient monnaie courante ? D’autant que, dans ce contexte pesant, la relation amoureuse risque sa place.
Et que dire de la solitude et de l’isolement, inévitables dans cette épreuve ? De l’impression d’être différents, d’avoir moins de sujets de discussion avec ses proches ? Contre toute attente, le manque de sensibilité de leur entourage précipite le couple dans une bien grande bulle. Les traitements de fertilité occupent une place très importante, et ne pas pouvoir se confier n’aide en rien le sentiment d’isolement.
Qui a le « droit à l’enfant » ?
L’infertilité, une épreuve qui se vit seul, mais aussi à deux pour les couples québécois qui ont bénéficié de la gratuité du programme de procréation médicalement assistée entre 2010 et 2015.
Quelles sont les options depuis la fin du programme ? Entre 2015 et aujourd’hui, les Québécois et Québécoises qui étaient infertiles n’avaient droit qu’à un crédit d’impôt qui rembourse une partie des traitements de fertilité selon le salaire. À l’automne 2020, le Gouvernement du Québec rétablit la gratuité d’un cycle de fécondation in vitro pour les couples hétérosexuels, lesbiens et les femmes seules qui espèrent avoir un enfant (Projet de loi n 43). Bonne nouvelle ? Oui, en grande partie ! Par contre, malgré cette nouvelle accessibilité, l’échec de la fécondation in vitro est commun. Plusieurs couples doivent donc abandonner les traitements de fertilité pour se tourner vers l’adoption. Un processus qui affecte, lui aussi, les femmes et les hommes différemment. En effet, les femmes trouvent difficile de faire le deuil de la grossesse, et les hommes, de ne pas transmettre leurs gènes.