Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) est réputé être plus généreux que le régime fédéral d’assurance-emploi, en plus d’être plus flexible et de favoriser l’implication des pères. Cela dit, les familles québécoises utilisent et partagent-elles davantage les prestations parentales que les familles du reste du Canada, et ce, peu importe leur revenu ? Si de plus en plus de familles à faible revenu utilisent et partagent les congés prévus par le RQAP, la tendance s’observe toujours plus chez les familles à revenu moyen ou élevé.
Une équipe de chercheurs en sociologie de l’Université Western Ontario et de l’Université de Victoria en Colombie-Britannique analyse plusieurs données administratives des familles biparentales hétérosexuelles canadiennes et québécoises de 1998 à 2012. Leur objectif : comparer l’utilisation et le partage du congé parental des parents québécois et canadiens en fonction du revenu familial (élevé, moyen, faible).
Quelques caractéristiques distinctives des deux régimes de congé parental du Canada
Québec ou Canada : les familles à faible revenu moins nombreuses
C’est chez les familles à revenu plus modeste que l’effet des réformes fédérale (2001) et provinciale (2006) se fait le plus sentir ! En effet, dans les provinces canadiennes tout comme au Québec, l’augmentation de l’utilisation des prestations parentales est environ deux fois plus élevée pour les familles à faible revenu que celles à revenu moyen ou élevé. L’assouplissement des critères d’éligibilité, qui profite aux parents moins aisés, y est certainement pour quelque chose, affirment les auteurs.
Par contre, malgré cette amélioration, les familles à faible revenu qui utilisent le RQAP ou le régime fédéral sont toujours minoritaires. Pourquoi ? La réponse se trouve peut-être du côté des conditions du régime. Pour attirer les familles à faible revenu, les politiques doivent offrir un taux de remplacement du salaire convenable et des critères d’éligibilité flexibles. Selon ces prémisses, elles devraient donc être en mesure d’accommoder un large spectre d’emplois atypiques, plutôt que de se concentrer uniquement sur les emplois stables à salaire moyen-élevé.
Un partage plus égal au Québec qu’au Canada… et surtout chez les plus aisés !
Papa et maman prennent congé pour bébé ? Plus au Québec que dans le reste du Canada ! Depuis 2006, les auteurs observent une importante augmentation du partage du congé parental entre les mères et les pères, et ainsi une diminution du nombre de mères qui sont seules à prendre congé. Et dans le reste du pays ? Depuis 2001, les auteurs ne constatent qu’une maigre augmentation de l’utilisation partagée du congé parental entre papa et maman, comparativement à la situation québécoise. Comment s’explique ce plus grand partage au Québec ? Les trois mesures du RQAP, qui favorisent la prise d’un congé parental par les pères : l’augmentation du revenu de remplacement du salaire, l’introduction d’un congé de paternité non transférable et l’augmentation du plafond de revenu.
De nouveau au Québec, le partage plus équitable s’observe surtout dans les familles à revenu moyen ou élevé. Bien que de plus en plus de parents québécois à faible revenu partagent les prestations, ils sont toujours proportionnellement moins nombreux que les parents plus aisés. Conséquemment, les mères à faible revenu sont plus à risque d’utiliser seules les prestations. Le revenu familial a décidément une grande influence sur l’utilisation du congé de paternité. Chez les familles aisées, les hommes sont enclins à prendre un congé plus long, parce qu’en règle générale, leur conjointe a également un revenu plus élevé et souhaite retourner au travail. Chez ces familles, on peut se le permettre, chez les moins nanties, c’est plus difficile. Un scénario qui se répète à plus grande échelle dans les autres provinces du Canada, qui n’ont pas de congé de paternité non transférable.
Quel futur pour le RQAP ?
Bien que de plus en plus de familles à faible revenu utilisent le RQAP, il semble encore aujourd’hui mieux adapté aux réalités des parents à revenu moyen ou élevé. Sanctionnée à l’automne 2020, la « loi 51 » vise à améliorer la flexibilité du régime québécois d’assurance parentale et à le rendre plus équitable, notamment en ce qui concerne la durée d’utilisation des prestations, le montant des prestations obtenues durant le congé, et la différence de traitement entre parents biologiques et adoptants. Fait notable : les parents pourront maintenant étaler les 55 semaines de congé parental sur 18 mois, plutôt que 12. Ainsi, les mères qui souhaitent reprendre le travail graduellement durant leur congé de maternité pourront continuer à percevoir des prestations hebdomadaires. Les parents auront accès à un mois supplémentaire s’ils prennent 10 semaines de congé chacun, ce qui encourage le partage entre les pères et les mères. Enfin, les parents adoptants ont également droit à un congé similaire à celui des parents biologiques. Reste à voir si ces réformes favoriseront la qualification et l’utilisation du congé parental par les familles à plus faible revenu, et maintiendront le statut du Québec comme chef de file en matière de politique familiale en Amérique du Nord.