Lorsque le diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) tombe, il vient avec son lot de bouleversements pour les parents : augmentation des besoins, insuffisance financière et détresse psychologique, pour ne citer qu’eux. Pour conserver leur équilibre et celui de la famille, les parents ont besoin d’aide, qu’elle soit psychosociale ou financière. D’où provient cette aide qui leur permet de garder la tête hors de l’eau ?
Pour répondre à cette question, les sociologues Isabelle Courcy et Catherine des Rivières-Pigeon se sont entretenues avec les parents de 13 familles d’enfants âgés entre 4 ans et demi et 10 ans, et présentant un TSA. Ils devaient identifier des personnes ou organismes qui leur avaient offert de l’aide ou du soutien au cours de trois périodes : avant le diagnostic d’un TSA, autour du diagnostic et dans la dernière année.
Où sont passés les services publics?
Lourdeur administrative ou insuffisance des services? Quelle que soit la raison, plusieurs parents se sentent bien seuls. Ils déplorent le manque de services offerts par le secteur public, comme l’accompagnement des enfants à l’école. Certains expliquent avoir cessé de travailler à cause des problèmes de santé psychologique causés par la situation. L’impact du manque de ressources? Bon nombre se sentent abandonnés, souffrent de stress ou voient leur santé mentale se détériorer. Avec un sentiment d’émotion, une mère disait :
« On n’a eu aucune aide. […]. J’appelais en larmes. Je ne savais pas quoi faire. J’étais en détresse. En mode panique. Je passais mes journées à pleurer et j’étais incapable de ne rien faire. […]. Il a vraiment fallu qu’on se débrouille tout seuls. »
À cause de cette pénurie des services formels, 12 des 13 familles interrogées se sont tournées vers le secteur privé, en dépit des frais de consultation élevés. Une décision prise pour le bien de l’enfant, mais qui affecte le portefeuille familial… déjà dégarni.
Prestations pour les familles : la loterie de la vie!
Des prestations existent pour soutenir les familles aux prises avec un handicap, mais, pour plusieurs parents, la procédure pour y avoir droit est digne d’une énigme des plus difficiles à résoudre.
Le gouvernement du Canada et celui du Québec prévoient des aides financières pour les familles d’enfants vivant en situation de handicap, incluant celles d’enfants avec un TSA. Or sur les 13 familles, seulement 4 profitent des allocations pour intégrer l’enfant en garderie, et 6 familles bénéficient des fonds du Québec de soutien à la famille pour des services de répit. La majorité ne touche rien du supplément pour enfants handicapés de la Régie des rentes du Québec ou de la Prestation canadienne pour enfants handicapés. Cela dit, les quelques familles « chanceuses » qui y ont accès soulignent le manque flagrant d’information. Dans bien des cas, les parents sont allés chercher de plus amples détails auprès d’autres parents dans la même situation! C’est dans ce contexte qu’une mère racontait :
« Je pense que j’ai été chanceuse d’avoir une amie qui a pu me dire des ressources. Ils [les professionnels] devraient plus nous outiller. Même juste la subvention [en garderie], si tu ne le sais pas, tu ne la prends pas, mais ça peut tellement aider. Les ressources devraient vraiment être plus claires. »
Impliquer les proches? Pas facile…
Ce ne sont pas tous les membres de la famille qui comprennent le TSA et ses conséquences au quotidien. Résultat : cette incompréhension et leur manque de connaissance limitent leur volonté de venir en aide aux parents. Le témoignage d’un père évoque ainsi le déni des proches à l’égard du diagnostic. Dans l’ensemble des cas, le soutien ne vient donc pas du réseau familial. En revanche, d’autres sources d’aide inattendues peuvent émerger. Les personnes plus éloignées du cercle familial proche, possédant des connaissances ou des formations professionnelles adéquates, comme des psychologues ou des travailleuses sociales, peuvent parfois offrir un soutien émotionnel et de l’information. Un père interrogé parlait du soutien que lui apportait sa belle-sœur qui avait aussi un enfant autiste :
« On parle beaucoup ensemble. Ça aide de lui en parler, elle nous piste sur les choses à faire et nous rassure sur ce que l’on voit chez mon fils. On vit des choses similaires. »
La famille, c’est bien, mais les amis, c’est mieux
Partager une expérience commune peut rapprocher les parents et favoriser l’entraide entre eux. Les parents interrogés expliquent qu’ils comptent beaucoup sur le soutien de leurs amis ou des leurs collègues du travail, car ils ont le sentiment de ne pas être compris par les membres de leurs familles respectives. Afin de profiter le plus possible des expériences et des conseils de chacun, tous ces parents sont membres d’une plateforme web fondée par la mère d’un enfant vivant avec un TSA. Cette plateforme est considérée comme une solution d’entraide où les parents peuvent échanger, pour leur profit et celui de tous les autres parents. La grande majorité explique y trouver des informations utiles pour aider leurs enfants. Au-delà de l’aspect pratique, cette plateforme leur permet aussi de se mobiliser ensemble pour élaborer des actions concrètes, comme contester une décision politique, signer une pétition ou participer à une campagne d’information en lien avec le TSA.
Pouvons-nous prendre les choses en main?
D’après cette étude, les familles d’enfants vivant avec un trouble du spectre de l’autisme parlent de l’absence ou de l’insuffisance de services spécialisés dans le secteur public. L’étude met également l’accent sur le manque d’aide des membres des familles. Malgré une aide publique insuffisante, les parents peuvent remédier d’eux-mêmes à leurs besoins à travers certaines initiatives, notamment à travers l’utilisation des réseaux sociaux.