Entre coupes budgétaires, complexification des cas, pénurie de main d’œuvre et horaires atypiques, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle dans le secteur de la santé présente de nombreux défis.
Des mesures comme le temps partiel volontaire, les semaines comprimées, les horaires de 12 heures ou les programmes de sortie progressive de l’emploi peuvent aider à diminuer le stress des employés et à favoriser une carrière allongée.
Les auteures se sont intéressées à la trajectoire professionnelle de 34 travailleurs de la santé en début, milieu et fin de carrière. Dix-huit infirmiers (14 femmes, 4 hommes) et 16 professionnels de la réadaptation (12 femmes, 4 hommes) ont participé à la recherche. L’étude a comparé les témoignages de ces deux groupes sous différents aspects, dont l’impact des mesures de d’aménagement des conditions de travail sur le maintien en poste.
La conciliation au centre des préoccupations
Ces deux professions ont connu une intensification du travail dû à une « pénurie de personnel ». Les infirmiers considèrent que les horaires variables et atypiques sont une des principales difficultés de leur métier. Pour les professionnels de réadaptation, c’est plutôt la complexité des cas qui créent une pression sur leur travail. Comment permettre aux professionnels de la santé de maintenir leur activité sans craindre le burn-out? D’après les auteures, les difficultés rencontrées par les participants dans leur travail engendrent « stress, anxiété et peuvent les conduire à terme à changer de secteur d’emploi ». Quel que soit l’âge, la conciliation vie personnelle et vie professionnelle est au centre des préoccupations des répondants. Elle « s’étend tout au long du parcours de vie et non seulement en présence d’enfants ». Que ce soit en début ou en fin de carrière, il y a une « imbrication des trajectoires professionnelles et familiales/personnelles ».
La maternité : une constante
Le cheminement de carrière est différent chez les femmes que chez les hommes, ce qui justifie la prise en compte du genre dans l’analyse. Chez les femmes, la maternité marque un premier tournant professionnel. L’étude met de l’avant la popularité des mesures de flexibilité et de réduction des horaires permettant une meilleure conciliation travail-famille.
« Je bénéficie depuis plusieurs années, suite à mon dernier congé de maternité d’il y a 5 ou 6 ans, d’un horaire à 4 jours semaine … j’arrive à la maison à la fin des classes puisque je termine à 3h30. »– Professionnelle de réadaptation, femme, 20-44 ans, 3 enfants
« On a une certaine flexibilité au niveau des horaires de travail, mais s’ils officialisaient la flexibilité ce serait mieux…Là, on est un peu sur des ententes informelles avec les supérieurs mais si le supérieur change ça peut s’arrêter. »– Infirmier, homme, 45-60 ans, 2 enfants
Une fois que leurs enfants ont grandi, un second tournant se profile pour certaines femmes : la possibilité de devenir cadre, qui amène une bonification des conditions de travail. Chez les hommes, cette opportunité d’évolution s’inscrit généralement plus tôt dans la carrière.
Redonner du sens
Chez les participants, la fin de carrière amène souvent un intérêt envers le mentorat et la formation ainsi qu’un allègement des tâches : réduction des heures, cas moins lourds, etc.
« Oui, le mentorat m’inciterait… Je pense que j’ai beaucoup d’expérience dans mon travail et je dois partager avec les infirmières plus jeunes que moi. »– Infirmière, femme, 45-60 ans et plus, 3 enfants
« Le mentorat, moi ça m’intéresse car c’est important d’avoir de la relève, de partager notre expérience, c’est une belle façon de rester dans notre milieu sans avoir la charge et le stress de la performance de toujours vouloir aller plus loin. Tu peux juste donner le meilleur de ce que tu as eu. »– Professionnelle de réadaptation, femme, 20-44 ans, 1 enfant
D’après les auteures, ce tournant de carrière « permet de trouver une nouvelle motivation », de redonner du sens et de devenir une source de valorisation. Dernier tournant possible, se lancer dans une nouvelle carrière après la retraite.
Des arrangements organisationnels plus souples
Dans les deux groupes professionnels, les mères sont plus intéressées par le temps partiel volontaire.
« On est beaucoup à travailler à temps partiel (…). Ce sont les femmes et surtout les jeunes mères qui les utilisent pour passer plus de temps avec leurs enfants »– Infirmière, femme, 20-44 ans, 2 enfants.
Les horaires de 12 heures et la retraite progressive sont aussi des mesures populaires parmi les infirmières.
« J’ai mis en place un projet d’une fin de semaine sur trois avec des 12 heures pour les infirmières. Il y a plus de la moitié de l’équipe qui le fait. Ce sont des horaires adaptés aux besoins de l’organisation et aux besoins du personnel. »– Infirmière, femme, 45-60 ans et plus, 4 enfants.
Les professionnelles de réadaptation préfèrent les arrangements permettant une semaine comprimée en quatre jours, une souplesse des horaires et la possibilité de prendre des congés différés.
« Le congé différé c’est bien, on a une clientèle lourde qui peut drainer beaucoup. Avoir l’opportunité de prendre des congés sans solde, des congés différés de temps en temps et les congés annuels c’est ressourçant. »– Professionnelle de réadaptation, femme, 20-44 ans, 2 enfants.
Plusieurs envisagent une fin de carrière précoce à cause de la lourdeur des cas. D’après les auteures, « leur proposer un poste non-clinique pourrait les inciter à demeurer en emploi ».
Des modes de travail diversifiés
La vie professionnelle moderne est beaucoup plus dynamique que le modèle traditionnel étude-carrière-retraite. Chez les deux groupes professionnels observés, la carrière est marquée de plusieurs tournants qui arrivent à des moments différents, selon le genre et le parcours de vie.
Selon les chercheuses, dans l’objectif de maintenir des effectifs plus stables pour les entreprises, ces nouvelles données devraient être mieux intégrées à la gestion des ressources humaines. Des modes de travail plus souples et plus variés devraient être mis en place afin de « satisfaire la diversité des intérêts des salariés » et favoriser leur bien-être – et donc leur maintien – au travail.