« Tout se joue avant 6 ans » : une phrase qui hante plusieurs parents ! S’il est faux de croire qu’il n’y a rien à faire après cette date butoir, les premières années sont tout de même cruciales pour le développement de l’enfant. Environ un tout-petit sur cinq présente un retard de développement, et la détection précoce par les parents permet d’intervenir plus rapidement pour lui permettre d’actualiser son plein potentiel. Comment les parents remarquent-ils que quelque chose cloche ? En observant leur enfant, en le comparant avec d’autres et en se basant sur l’avis de leur entourage.
C’est ce que révèle la troisième et dernière phase d’un projet de recherche sur le développement des enfants[1], dans laquelle des chercheuses donnent la parole à 16 parents (13 mères et 3 pères) d’enfants âgés de 2 à 5 ans ayant un retard de développement ou à risque d’en présenter. L’objectif ? Explorer les perceptions des parents quant au développement de leur enfant, les facteurs qui influencent leur recherche de services et leurs recommandations pour optimiser les services offerts.
Développement de l’enfant : deux visions s’opposent
L’enfant présente des difficultés dans l’une des sphères de son développement : quelles options s’offrent aux parents ? Certains croient que chaque bambin évolue à sa propre vitesse, selon son tempérament et ses préférences. Selon eux, les retards de développement se résorbent d’eux-mêmes avec le temps.
Au contraire, d’autres croient que les enfants ont besoin d’être stimulés pour bien se développer, particulièrement s’ils présentent des difficultés développementales. Ils sont aussi plus nombreux à croire qu’un coup de pouce pour surmonter les retards peut aider, et sont donc plus susceptibles de consulter un proche, une éducatrice ou un médecin pour obtenir du soutien.
« C’est clair que si on ne l’aide pas, c’est possible qu’il y ait un petit retard qui s’accumule jusqu’au début de l’école dans quelques années, […] donc c’est pour ça qu’on veut pousser un peu pour l’aider. » (Traduction libre des propos d’un parent)
Observer, comparer et écouter
Vous déposez votre enfant à la garderie et vous remarquez que son vocabulaire n’est pas aussi étoffé que celui des autres enfants de son âge : comment réagissez-vous ? S’il faut généralement éviter de comparer les enfants entre eux, c’est souvent en observant leur enfant ou en comparant son comportement avec celui des autres que les parents remarquent que quelque chose cloche.
« En fait, nous avons remarqué qu’il avait un léger retard de langage. Je l’ai remarqué parce que nous avons deux autres enfants ; mes plus vieux sont autistes et quand nous avons su qu’ils étaient autistes, ça a commencé par un retard de langage… » (Traduction libre des propos d’un parent)
Dans la mesure où la connaissance du développement lors de la petite enfance n’est pas une science exacte, ce sont parfois les commentaires des éducatrices ou de leurs proches qui leur mettent la puce à l’oreille.
« Les inquiétudes pour mon enfant ne venaient pas de moi. Ce sont les parents de mon entourage et les éducatrices de la garderie qui paniquaient. Je me disais : « il parlera quand il sera prêt à parler ». » (Traduction libre des propos d’un parent)
Attendre son tour… ou vider son portefeuille
Une fois les premiers signes de retard détectés, vers qui se tourner ? Plusieurs parents recherchent des informations en ligne ou consultent leurs proches pour obtenir des conseils. Ce n’est que lorsque les difficultés de leur enfant dépassent leurs capacités qu’ils finissent par se tourner vers les professionnels de la santé ou les services publics, mais les longs temps d’attente ont souvent raison de leur patience. Résultat : ceux qui en ont les moyens optent pour les services privés.
« Je ne sais pas s’ils manquent de ressources ou s’ils sont débordés. Le temps d’attente doit vraiment être réduit. Dans certains cas, même ceux urgents, ils ont quand même de longues listes d’attente. En ce moment, ce qui me stresse, c’est que mon fils a 3 ans et demi. Il y a un an et demi d’attente pour avoir un diagnostic d’autisme et […] c’est une période cruciale de son développement. » (Traduction libre des propos d’un parent)
Comme si ce n’était pas suffisant, plusieurs parents ont l’impression que leurs inquiétudes sont balayées du revers de la main par les médecins et les pédiatres. Ils aimeraient que leur jugement soit davantage pris en considération, puisqu’ils estiment être les experts de leur enfant.
« J’aimerais que les médecins en fassent davantage pour nous aider ; ils pourraient considérer les inquiétudes des parents plus sérieusement. Parfois, ils nous parlent comme s’ils nous prenaient pour des idiots. Ils sont condescendants et ça m’énerve ! » (Traduction libre des propos d’un parent)
Mieux informer et accompagner : l’opinion des parents
Pour se tourner vers des services, encore faut-il savoir qu’ils existent ! De nombreux parents aimeraient être mieux informés des ressources disponibles dans leur région. Leurs suggestions ? Fournir des renseignements lors des cours prénataux ou après l’accouchement, ou encore regrouper les informations sur les programmes et services au même endroit (ex. : site internet).
« Nous avons entendu parler d’un programme pendant les cours prénataux, mais c’est le seul que nous connaissions. En fait, j’ai été choquée lorsque j’ai répondu aux enquêtes et que j’ai découvert le million de services que je ne connaissais pas. » (Traduction libre des propos d’un parent)
Les parents aimeraient aussi être mieux accompagnés lorsque leur enfant est âgé de 2 à 5 ans, puisqu’il s’agit d’un moment charnière de son développement.
« Tu sais quand il y a une infirmière qui te rend visite quand tu as un bébé ? Ce serait bien de continuer ça, que l’infirmière évalue notre environnement, regarde différentes choses avec nous […] et qu’elle nous donne des conseils en fonction de notre enfant. […] » (Traduction libre des propos d’un parent)
Soutenir les tout-petits et leurs familles, un pas à la fois
Stimuler un enfant qui a des difficultés développementales peut l’aider à rattraper son retard. Cependant, les familles n’arrivent pas à naviguer dans le système de la santé et sont souvent laissées à elles-mêmes.
Comment alors favoriser leur développement, leur bien-être et leur réussite scolaire ? L’équipe du laboratoire de recherche GRAND-IR, dirigée par la chercheuse principale de cette étude, mène de nombreux projets afin de mieux soutenir les enfants qui ont un retard de développement, mais aussi leurs familles. En mai 2021, l’équipe a ainsi mis sur pied un colloque portant sur l’organisation des services pour les enfants âgés de 0 à 5 ans à risque de présenter des retards de développement.
[1] Pour participer à la Phase 3, les enfants devaient présenter un risque de retard de développement selon le Ages & Stages Questionnaire – Third Edition (ASQ-3), auquel les parents ont répondu à la Phase 1.