À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Noémie Zaine Y-Lane, Elizabeth Charbonneau, Denisa Maria Cindea, Émilie Fontaine, Anne-Sophie Dorion et Guadalupe Puentes-Neuman, « Échelle des rôles paternels (ERP) : liens avec des facteurs de vulnérabilité chez les pères québécois », publié en 2023 dans Enfances Familles Générations [En ligne], vol. 44.

  • Faits saillants

  • Le rôle du père évolue : passant de pourvoyeur traditionnel à celui de parent impliqué à part égale dans l'éducation des enfants.
  • Les pères peuvent se sentir plus gratifiés, compétents et moins stressés lorsqu'ils s'engagent activement dans les soins et l'éducation de leur(s) enfant(s), renforçant ainsi le bien-être de toute la famille.
  • Les interactions entre père et enfant sont de puissants prédicteurs du bien-être de l'enfant, favorisant le développement de compétences motrices, académiques et langagières.
  • En se concentrant sur les forces des pères plutôt que sur leurs manques, on peut utiliser leurs compétences naturelles pour les encourager et renforcer leur rôle parental.
  • L’Échelle des rôles paternels (ERP), un nouvel outil développé pour mesurer les rôles des pères québécois, permet d'évaluer et de valoriser leur implication au sein de la famille.
  • Mots-clés

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« Les pères ne s’occupent pas des enfants comme les mères. » « Les pères sont seulement là pour la discipline. » Combien de fois avons-nous entendu ces clichés dépassés concernant la paternité? Pourtant, les recherches récentes révèlent une tout autre réalité. L’implication des pères, par leur présence, leurs compétences et leur engagement, dépasse le simple cadre de la discipline. Elle s’étend à des aspects enrichissants et nourrissants du développement de leur(s) enfant(s). Le lien unique qu’ils tissent avec eux et les rôles qu’ils jouent sont encore trop souvent sous-estimés et méconnus. Heureusement, la paternité moderne redéfinit les règles du jeu. Quels sont ces nouveaux rôles paternels et comment se définissent-ils? Et surtout, comment peut-on les mesurer de manière claire et pertinente?

Une équipe de recherche en psychologie de l’Université de Sherbrooke se penche sur les rôles des pères dans le contexte québécois. Constatant qu’il n’existe aucun outil validé en français pour évaluer directement les rôles paternels, ces professionnel·le·s élaborent l’Échelle des rôles paternels (ERP). Pour cela, l’équipe recrute 462 pères d’enfants âgés de 12 ans et moins à travers le Québec et leur demande de répondre à un questionnaire en ligne. L’objectif? Mieux comprendre et mesurer les différentes facettes de leur expérience de paternité. En se basant sur leurs réponses et leurs vécus, l’Échelle entend refléter fidèlement les vulnérabilités et les fonctions propres à la paternité. Alors, quels constats ont émergé de ce nouvel outil, et comment peuvent-ils aider à mieux soutenir les pères? De nouvelles façons de concevoir les rôles paternels ont émergé de cette étude… et elles réservent de belles surprises quant à leurs implications!

Pères 2.0 : l’innovation en action

S’intéresser aux enjeux qui touchent la paternité, c’est bien, mais créer un outil adapté pour mieux soutenir les personnes directement touchées par celui-ci, c’est encore mieux! L’Échelle des rôles paternels a justement été conçue pour combler un manque en contexte québécois : comprendre les différents rôles des pères et offrir un support précieux aux intervenant·e·s travaillant avec eux. Mais d’où vient cet outil? Tout part d’une notion connue sous le nom de « vulnérabilité ordinaire ». Cette réalité vécue par tous les parents, les amènent à se sentir vulnérables en présence de divers facteurs. Par exemple, lorsque qu’ils se sentent dépassés par leurs responsabilités parentales, ou qu’ils ressentent des pressions financières ou un manque de soutien social. Cette vulnérabilité peut se manifester de trois manières : un manque de confiance en ses capacités parentales, un manque de gratification et un stress parental. À partir de ces facteurs, l’Échelle révèle quatre rôles différents endossés par les pères : la transmission, la discipline, l’engagement et la stimulation. En d’autres termes, les scores obtenus sur les facteurs de vulnérabilité aident à identifier les rôles endossés par les pères en fonction de leurs expériences et perceptions. La prochaine étape? Explorer les liens entre les différents facteurs de vulnérabilité et les rôles des pères. Sachant qu’une influence réciproque entre leurs rôles et les vulnérabilités existe, explorer ces interactions s’avère plus que pertinent.

De la transmission nait la gratification

La paternité, c’est avant tout la transmission! Les jeunes pères l’ont bien compris, intégrant cette mission de partage de passions comme un élément fondamental et innovant de leur rôle. Lorsqu’un père voit son enfant adopter ses valeurs ou exceller dans une compétence qu’il lui a enseignée, il ressent une grande satisfaction et un sentiment de compétence. Pourquoi est-ce important? Parce qu’un père qui partage des affinités avec son enfant ressent plus de gratification dans son rôle, comblant ainsi son besoin de filiation. De plus, la transmission réduit son stress en créant des moments de complicité qui facilitent une relation parent-enfant harmonieuse. Inversement, plus le père est stressé, moins il s’engage. Imaginez un papa enseignant à son enfant à jouer de la guitare : en voyant celui-ci progresser et apprécier son apprentissage, le père se sent gratifié, plus compétent et à la sensation de construire une relation enrichissante et positive.

La discipline : un mal nécessaire?

La discipline est souvent perçue comme négative et restrictive, mais est une partie incontournable du rôle de parent! Elle implique d’imposer des limites à son enfant lorsqu’il ne respecte pas les règles établies. Pourquoi est-elle si importante? Parce qu’elle oriente la conduite, les acquis et la conception de sa réussite, si, et seulement si, elle est exercée dans un cadre structuré et accompagnée d’encouragements.

L’Échelle des rôles paternels relève que la discipline n’est pas directement liée au sentiment de gratification des pères. Ainsi, un père qui applique la discipline auprès de son ou de ses enfants ne se sentira pas forcément plus valorisé ou important dans son rôle. Cela peut s’expliquer par le fait que la discipline n’est pas vue comme entièrement positive ou négative, mais varie en fonction du contexte dans lequel elle est appliquée. Cependant, plus les pères exercent une forme de discipline, moins ils se sentent compétents en tant que parents, et plus ils affichent un stress parental. Ainsi, cela peut créer un cercle vicieux : moins ils se sentent compétents, moins ils appliquent efficacement la discipline. En conséquence, leur niveau de stress augmente, ce qui peut les rendre impatients et les pousser à adopter des comportements éducatifs plus sévères. Par exemple, un père qui se sent moins compétent pourrait avoir du mal à imposer des limites cohérentes. Face à la désobéissance répétée de son enfant, ce stress accru pourrait le conduire à réagir de manière excessive pour des comportements relativement mineurs. Alors, la discipline, négative au premier abord? Détrompez-vous! Appliquée avec des encouragements, elle guide positivement la conduite de l’enfant, impose des limites claires et cohérentes, et renforce la confiance des parents en leurs compétences.

Quand l’engagement fait toute la différence

La disponibilité des pères ainsi que leur engagement actif dans les soins et la sécurité de leur(s) enfant(s) reflètent l’engagement. Pourquoi ce rôle abordé par l’Échelle est-il crucial? Plus il est valorisé, plus les pères se sentent légitimes dans leur rôle parental. Le secret? Ils s’impliquent davantage lorsqu’ils se sentent armés des compétences et aptitudes nécessaires. Imaginez un père doué en mathématiques qui aide son enfant avec les devoirs dans cette matière chaque semaine. Ces moments partagés renforcent leur relation, permet au père de mieux comprendre les besoins de son enfant, et de développer un sentiment de proximité et de compétence. De plus, un père engagé ressent généralement moins de stress lié à son rôle parental. Ce n’est donc pas surprenant que de nombreux programmes d’intervention visent à augmenter l’engagement paternel. Non seulement ce dernier augmente la satisfaction parentale, mais il se révèle efficaces pour apporter sa pierre à l’édifice de la réduction de stress. C’est ce qu’on appelle faire d’une pierre deux coups!

La stimulation : dépasser les limites ensemble!

Pour couronner le tout : la stimulation, le dernier rôle révélé par l’Échelle des rôles paternels! Il s’agit des comportements qui encouragent chez l’enfant l’affirmation de soi, la prise de risque et le dépassement des limites. La clé pour la réussir? Adopter le rôle de modèle. Prenons en guise d’exemple un père qui adore l’escalade. Son enfant est d’abord intimidé par la hauteur, mais après avoir vu son papa grimper avec assurance, il est motivé à essayer. En voyant son enfant surmonter cette peur et atteindre le sommet, le père ressent de nouveau une réelle gratification et un renforcement de sa compétence comme parent. Plus les pères s’engagent dans des activités de stimulation, plus ils constatent les bénéfices de leurs efforts, puisqu’ils voient leur enfant relever des défis et en tirer des retombées positives. De plus, la stimulation est liée à une réduction du stress parental. Ainsi, stimuler, c’est gagner : petits gestes, grands effets!

Les pères à l’honneur!

Quels impacts une compréhension plus profonde des expériences paternelles pourrait-elle avoir sur les interventions sociales et cliniques? Comment pouvons-nous continuer à enrichir notre connaissance des divers rôles paternels pour mieux soutenir ces pères dans leur parcours parental? Reconnaître et célébrer leurs contributions uniques, et transformer ces connaissances théoriques en actions concrètes qui améliorent leurs connaissances et leur accompagnement, c’est l’esprit de la paternité moderne! Les pères ne sont pas seulement des figures d’autorité ou des pourvoyeurs : ils sont des acteurs essentiels au développement et au bien-être de leur(s) enfant(s). La présente étude contribue à une réflexion plus large et inclusive sur la paternité et son impact dans la société d’aujourd’hui. En se concentrant sur les forces des pères plutôt que sur leurs manques, elle guide vers une meilleure compréhension des multiples facettes de la paternité.