Nuits écourtées, responsabilités accrues et conciliation travail-famille : la transition à la parentalité n’est pas de tout repos. Comme plusieurs nouveaux parents, Mathilde et Lisbet reçoivent de l’aide de leurs proches. Mais, depuis l’annonce du trouble du spectre de l’autisme (TSA) de bébé, les mamans remarquent que les tensions avec l’entourage s’accumulent au point de se demander si certaines relations en valent la peine. Études après études, le soutien social se révèle être indispensable pour les familles d’enfants présentant un TSA. Or, qu’en est-il vraiment dans leur quotidien?
Les constats présentés dans l’article de Geneviève LaRoche et Catherine des Rivières-Pigeon, chercheuses à l’Université du Québec à Montréal, proviennent d’un projet de recherche qui porte sur le soutien social et la situation financière des familles d’enfants autistes. En 2015, treize familles ont été recrutées via trois groupes Facebook. Ce sont en tout dix-huit parents ayant un enfant vivant avec un TSA âgé entre 4 à 10 ans qui ont participé aux entrevues.
Diagnostic : un avant et un après
Rien à redire : à l’arrivée d’un nouveau bébé, le soutien n’est généralement pas un enjeu! La grande majorité des parents se disent satisfaits de l’assistance obtenue par leurs proches. Pourquoi? Parce que cette aide prend plusieurs formes, entre autres financières. Nombreux sont les nouveaux parents à affirmer qu’ils s’attendent à recevoir de l’aide de la part de leurs propres parents. Le miracle n’a cependant pas lieu pour ceux dont la relation avec leurs familles n’est pas au beau fixe : nouveau bébé ne rime pas avec relation améliorée.
De leur côté, les amitiés offrent plutôt un soutien émotionnel et psychologique aux parents ainsi qu’un espace pour se divertir. Les parents chérissent ces relations puisqu’elles s’étendent depuis de nombreuses années et que la connexion est profonde.
« Nos amis ne sont pas des gardiens d’enfants […] Nous ne [leur] demanderions pas [de nous aider avec nos enfants].[…] Nous nous confions à eux. Ils sont vraiment très présents pour du soutien psychologique. »
Traduction libre de la mère no 5, 4 enfants, dont un avec un TSA
Cette situation idyllique se corse une fois que le diagnostic de TSA tombe… Lorsque questionnés sur l’aide apportée par la famille et les ami·e·s, les parents soulignent qu’elle est inadaptée à la nouvelle réalité.
« Qu’est-ce qui ne tourne pas rond avec ton enfant? »
« Ça m’a vraiment surprise parce que j’assumais que, parce qu’elle était ma meilleure amie, elle apprendrait sur l’autisme, mais quand nous lui avons dit le diagnostic, elle a dit : Ouais, mais il n’a pas l’air des retardés que nous connaissions quand nous étions jeunes! J’étais choquée. »
Traduction libre de la mère no 12, 2 enfants, dont un avec un TSA
Il n’est pas rare pour les parents d’entendre ce type de commentaires. L’ignorance de l’entourage sur le trouble du spectre de l’autisme est bien souvent à montrer du doigt. Qu’on le veuille ou non, les parents sont blessés par le manque d’intérêt des proches à se renseigner une fois le diagnostic posé. Certains remarquent même que les grands-parents ignorent les besoins spécifiques des enfants autistes, augmentant ainsi la charge mentale des parents.
« [Ma mère] dit qu’elle comprend, mais… elle ne comprend pas. Elle a essayé de garder mon fils deux fois et la seconde fois, j’en ai eu assez. Ce n’est pas qu’elle a de mauvaises intentions; elle ne suit juste pas mes instructions. Mon fils avait finalement appris de nouvelles compétences à la garderie, mais après avoir passé du temps avec elle, il a régressé. J’ai dû tout recommencer. »
Traduction libre du père no 3, un enfant avec un TSA
À l’incompréhension s’ajoute le jugement. Ne comprenant pas les comportements des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme, la famille compare ces derniers aux enfants n’ayant pas de TSA. Ainsi, les parents sont souvent jugés et critiqués sur l’éducation de leur enfant. Évidemment, des tensions surgissent!
« Le soutien [que nos parents nous donnaient] était aussi fréquent [qu’après le diagnostic] … Mais il est différent… Il y a plus de commentaires négatifs. Ils nous disaient que nous devons davantage discipliner notre enfant. »
Traduction libre de la mère no 2, 4 enfants, dont un avec un TSA
Qu’en est-il des amitiés? Même constat… En réponse à ces attitudes, les parents ont tendance à éviter les relations qui les épuisent, entre autres, en s’isolant :
« De cette façon, je suis sûr [que mon enfant] ne dérange personne. Parfois, tu vas voir tes amies ou amis et tu ne souhaites pas intervenir tout le temps! Donc, à un moment donné, tu te dis… Ça ne vaut juste pas la peine. Si je sors, je vais passer plus de temps à surveiller mon fils et à expliquer ses comportements… Je ne vais même pas apprécier être avec mes amis. »
Traduction libre du père no 3, un enfant avec TSA
Choisir ses combats
Surchargés, épuisés et découragés… Les parents veulent uniquement que les membres de leur famille comprennent leur réalité. La solution? Les inscrire à des formations ou partager de la documentation sur le TSA.
« Je devais toujours expliquer… Un jour, j’ai imprimé une lettre qui explique ce qu’est le trouble du spectre de l’autisme. Je l’ai donné à tout le monde dans ma famille. »
Traduction libre de la mère no 4, un enfant avec un TSA
Drastiques comme mesures? Pas tant que ça, surtout lorsque l’on réalise que leurs relations d’amitié, autrefois basées sur la réciprocité et la mutualité, nécessitent aujourd’hui trop d’énergie pour des parents qui n’en ont plus tant que ça! En conséquence? Nombreux sont ceux qui préfèrent couper les ponts avec leur cercle amical.
« Je choisis mes amis en fonction de l’énergie qu’il requière. À un moment donné, j’ai dû créer une bulle autour de moi et dit : Ok, il y a beaucoup trop de négativité ici, ça prend beaucoup trop d’énergie. »
Traduction libre du père no 7, 2 enfants, dont un avec un TSA
Une aide qui vient quand on s’y attend le moins
Se sentir compris, la porte d’entrée vers de nouvelles amitiés? Il semblerait que oui. Sans surprise, les parents d’enfants autistes sont réceptifs à ce critère. En prime, ils saisissent également l’importance de la flexibilité et de l’écoute.
« Une fois par moins, j’ai un souper avec d’autres mères. Il n’y a pas d’échange de service. D’autres fois, nous allons au parc. Nous avons toutes un enfant avec un trouble du spectre de l’autisme, donc nous ne nous sentons pas jugées. Nous savons que si nous sommes fatiguées d’être là, nous pouvons partir. Si nous sentons que ce n’est pas une bonne journée pour nos enfants, nous pouvons juste partir. »
Traduction libre de la mère no 1, 4 enfants, dont 2 avec un TSA
Contre toute attente, la communauté immédiate, telle que le voisinage ou d’autres parents d’enfants autistes, se positionne en tête de peloton quant au soutien qu’elle offre aux parents. Que ce soit par sa disponibilité, sa présente rassurante ou la réalisation d’activités avec les enfants, elle se mobilise pour soutenir la tâche ardue de la parentalité.
« Souvent, quand notre fils va dehors, les voisins vont dire allô ou aller faire un tour à vélo avec lui… Ils gardent les enfants parfois. […] Récemment, nous avons eu une urgence avec notre plus vieil enfant et nos voisins ont gardé les trois autres enfants… Donc, ils sont prêts à nous aider. »
Traduction libre de la mère no 2, 4 enfants, dont un avec un TSA
« Ma femme a publié une annonce dans le journal annonçant la recherche d’une gardienne pour les enfants avec des besoins spéciaux… Et une fille de 16 ans est venue et a gardé gratuitement. […] Elle n’avait pas d’expériences; elle avait juste un grand cœur. […] Elle a fait une grande différence. »
Traduction libre du père no 7, 2 enfants, dont un avec un TSA
Soutenir, oui! Mais comment?
Le soutien se révèle être un outil puissant pour faciliter la navigation du quotidien des parents ayant un enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme. Bien qu’au cours des dernières années, la sensibilisation de la population au TSA a augmenté, l’aide de l’entourage ne s’en trouve pas nécessairement amélioré. Sans mauvaises intentions, elle peut parfois nuire plutôt qu’aider… D’où l’importance d’initiatives collaboratives par et pour les personnes autistes qui visent à bonifier le savoir sur les réalités des personnes vivant avec un TSA et leur famille. Concrètement, ce savoir sert à élaborer des programmes d’intervention ou d’aide qui prennent en considération les besoins des personnes autistes et leur famille. C’est d’ailleurs la mission de la Fédération québécoise de l’autisme d’informer et de renseigner les familles et leur entourage sur le trouble du spectre de l’autisme. Autrement dit, plus on comprend, mieux on outille!