Que ce soit une connaissance, un·e collègue, un·e membre de notre entourage, nous fréquentons toutes et tous une personne adoptée ou adoptante. Pourtant, l’adoption n’est qu’une des options possibles pour un enfant pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Par exemple, connaissez-vous la tutelle? Ce projet de vie consiste en un engagement à long terme d’une personne de l’entourage envers un enfant dont les parents ne peuvent assumer leurs responsabilités. Bien que semblable à l’adoption, la tutelle se distingue par le maintien du lien et des contacts avec la famille d’origine ainsi que par sa procédure.
Afin de faire le point entre la tutelle et l’adoption, un rapport de recherche québécois a été publié en 2020 par le Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF). Son objectif? Identifier les caractéristiques et les trajectoires de vie des enfants sous tutelle et de leur famille. Pour ce faire, l’équipe de recherche compare 42 dossiers d’enfants sous tutelle et 59 dossiers d’enfants en adoption de la région de Québec entre 2015 et 2018.
Être parent, ce n’est pas si facile!
Le principal motif de prise en charge par la protection de la jeunesse? Le « risque sérieux de négligence » sur le plan physique, psychologique et éducatif autant pour les enfants en adoption que ceux sous tutelle. Ce motif est suivi de « mauvais traitement psychologique » et de « négligence sur le plan éducatif » pour les enfants en adoption alors que pour ceux sous tutelle, seule la « négligence sur le plan éducatif » est le second motif de prise en charge.
Sans pour autant banaliser la négligence vécue par ces enfants, plusieurs facteurs peuvent expliquer la difficulté qu’ont certains parents à assumer leurs responsabilités. Les dossiers des enfants sous tutelle révèlent autant chez les mères que chez les pères d’origine la présence de problèmes conjugaux tels que les disputes ou les ruptures (87 %), de problèmes de dépendances à la drogue ou l’alcool (78 %) et de précarité économique (67 %). Quelles sont les principales différences de problématiques entre les mères et les pères? 64 % des mères rapportent des problèmes d’itinérance ou de logement, contre 39 % des pères, alors que 61 % des pères ont des comportements agressifs contre 36 % des mères.
Préoccupant, certes, mais les parents d’origine des enfants sous tutelle ont généralement une moyenne moins élevée de problématiques que les parents d’origine des enfants en adoption. Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’ils soient moins nombreux à avoir vécu de la maltraitance ou de l’abus durant leur enfance contrairement aux parents d’origine des enfants en adoption.
La face cachée de la tutelle
La tutelle, synonyme de stabilité? Contrairement aux croyances populaires, la tutelle est un projet de vie stable. Une grande majorité des enfants concernés vivent auprès de leurs parents d’origine précédant la mise sous tutelle, ce qui est rarement le cas chez les enfants adoptés, qui sont placés temporairement en famille d’accueil. Donc, sans surprise, l’âge au moment du premier placement varie. En moyenne, les enfants sous tutelle sont âgés de 5 ans et demi alors que les enfants adoptés ont 6 mois et demi. Mais encore? Une fois retiré du milieu familial et le premier milieu de placement sous tutelle établi, peu d’enfants vivent de déménagement. Pourquoi? Parce que le tuteur ou la tutrice les prennent en charge jusqu’à majorité.
Bien que la tutelle ne fasse pas l’unanimité parmi les parents d’origine, ces derniers font tout de même preuve d’ouverture et de flexibilité envers cette alternative et admettent généralement sa pertinence. La proximité du tuteur ou de la tutrice avec les parents facilite également l’acceptabilité du projet.
Le mythe des « enfants terribles »
Les dossiers examinés révèlent qu’une grande proportion d’enfants sous tutelle ont des problèmes de santé mentale avec diagnostic (17 %), sans diagnostic (40 %) ou un trouble neurodéveloppemental (63 %) comparativement aux enfants en adoption (2 %; 24 %; 39 %). Or, ces derniers sont 2,5 fois plus nombreux à avoir un problème de santé physique que les enfants sous tutelle.
Comment expliquer cette différence? La moyenne d’âge des enfants lors du jugement de tutelle est de 11 ans, contre 4 ans lors du jugement d’adoption. Comme les diagnostics de santé mentale et troubles neurodéveloppementaux sont rarement apposés avant l’âge de 5 ans, la probabilité qu’un enfant en adoption reçoive un diagnostic est bien inférieure à celle des enfants sous tutelle. Toutefois, la prudence est de mise lors de la comparaison entre les deux groupes puisque les données ne donnent qu’un portrait partiel des enfants.
La tutelle, une option stable pour les jeunes
Souvent perçue à tort comme une solution de rechange à l’adoption, la tutelle est pourtant un projet de vie stable pour les enfants sous la responsabilité de la protection de la jeunesse. Un de ses bénéfices est le maintien du lien familial qui offre un point d’ancrage aux enfants durant cette transition en plus d’être un facteur de protection pour leur trajectoire de vie. La stabilité de la tutelle met de l’avant le potentiel et la pertinence de ce projet de vie pour ceux et celles, dont l’adoption nuirait davantage à leur bien-être en raison de leurs besoins et leurs expériences de vie. Malgré tout, une question demeure : quelles sont les trajectoires de vie de ces jeunes une fois la fermeture de leur dossier à la protection de la jeunesse ?