Combien de temps votre progéniture passe-t-elle derrière sa console : une heure par semaine? Cinq heures? Dix heures? Pour la plupart des parents, difficile à évaluer. Et malgré les recommandations des spécialistes, il est facile de se sentir dépassé par l’utilisation des jeux vidéo de son enfant et des conséquences sur son comportement. Mais ce qui peut s’apparenter à un divertissement peut bien tourner en dépendance, un risque accentué chez certains jeunes avec un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Une équipe de recherche composée de membres du CHU Sainte-Justine et du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal se penche sur les liens entre la dépendance aux jeux vidéo chez les enfants et le TDAH. À l’aide de questionnaires distribués aux parents de 280 enfants de 4 à 12 ans, dont 98 avec un TDAH, l’équipe évalue les liens entre l’utilisation, la dépendance et le TDAH chez les jeunes, mais aussi le rôle et l’implication des parents.
Avancer à l’aveugle dans un monde inconnu : pas facile!
Pour aider son enfant aux prises avec une dépendance aux jeux vidéo, encore faut-il s’y connaître un minimum! Or, peu de parents sont assez outillés pour accompagner leur jeune dans cette activité. Parmi les personnes sollicitées, moins de 20 % jouent à des jeux vidéo, ce qui signifie que la plupart n’y connaissent pas grand-chose. Pour les chercheurs, cela influence leur compréhension et leur gestion du temps d’écran.
Les parents ne sont pas aveugles pour autant : plusieurs remarquent l’impact négatif des écrans sur le comportement de leur petit. En fait, plus le temps d’écran et le niveau de dépendance augmentent, plus ils constatent des troubles de comportement.
Parmi les principaux facteurs de risque à la dépendance aux jeux vidéo auxquels les parents devraient être sensibilisés, on note une mauvaise relation avec l’enfant, un relâchement dans l’autorité parentale, des pratiques éducatives hostiles ou un manque d’encadrement du temps d’écran.
Faites ce que je dis… et ce que je fais!
Avez-vous déjà envisagé de jouer aux jeux vidéo avec votre enfant? Cette activité en apparence anodine pourrait vous aider à mieux comprendre cet univers. Il s’agit même d’une recommandation de la Société canadienne de pédiatrie, souligne l’équipe de recherche. Ce moment privilégié permet aux parents d’agir comme modèle pour leur enfant en montrant les bonnes pratiques, comme la gestion des émotions et du temps d’écran.
Malheureusement, on est loin du compte. Les parents sont non seulement peu nombreux à jouer aux jeux vidéo, mais ils sont aussi incapables d’estimer le temps que leur enfant passe devant les écrans. Pire encore : ils ont tendance à surestimer celui consacré aux activités bien vues socialement, comme la lecture et les devoirs, et à sous-estimer celui consacré aux activités moins bien perçues… comme les jeux vidéo!
Par ailleurs, d’autres études répertoriées par l’équipe montrent que les parents semblent ignorer ce qui constitue un temps d’écran « normal » et « excessif ». Lorsque questionnés sur les recommandations de temps d’écran officielles de la Société canadienne de pédiatrie, les parents les jugent irréalistes ou difficiles à mettre en pratique.
TDAH et jeu vidéo : la vigilance est de mise
Les parents d’enfant avec un TDAH devraient être d’autant plus prudents : les jeux vidéo sont une pente encore plus glissante vers la dépendance. Plus ils y jouent, plus leurs symptômes s’aggravent, plus leur temps d’écran s’allonge, un véritable cercle vicieux.
C’est que les jeux vidéo et le TDAH se nourrissent mutuellement, explique l’équipe de recherche. D’un côté, le comportement des enfants vivant avec un TDAH les prédispose à devenir accros plus facilement : difficulté avec le contrôle, ennui, besoin de stimulations fortes, etc.
De l’autre côté, les effets des jeux vidéo sur le cerveau répondent à un besoin : une dose de dopamine stimule la section du cerveau axé sur les récompenses, ce qui favorise la concentration et apporte sans doute un soulagement à ces jeunes, avancent les chercheurs. Si les parents sont conscients de ces mécanismes, ils peuvent d’autant mieux accompagner leur enfant.
Des ressources quand rien ne va plus
Des ressources existent pour les familles qui sentent que leur jeune a basculé du côté obscur des jeux vidéo. Les personnes inquiètes qui cherchent à mieux comprendre leur enfant peuvent commencer par la plateforme en ligne Pause ton écran qui s’intéresse à la cyberdépendance. Les CISSS et les CIUSSS offrent également des services de suivi pour les jeunes souffrant d’une dépendance, dont celle aux jeux vidéo. Finalement, l’organisme Le Grand Chemin, spécialisé dans la dépendance chez les jeunes, offre plusieurs services aux parents comme aux enfants, dont des thérapies avec hébergement.