Les familles qui ont un enfant avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont confrontées à de nombreux défis. Un défi d’autant plus grand lorsque ces familles sont issues de l’immigration. Le manque de connaissances du système de santé, la barrière linguistique ou les différentes croyances concernant le TSA viennent alourdir un contexte déjà difficile. Résultat : les familles immigrantes semblent plus insatisfaites de leur qualité de vie que les familles natives du Québec.
Voilà le constat auquel arrivent Marie Millau et Mélanie Rivard, respectivement docteure et professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, et Catherine Mello, professeure à l’Université d’État de Pennsylvanie. Leur objectif : comprendre les similitudes et les différences de la « qualité de vie familiale » entre des parents issus de l’immigration et des parents natifs, tous ayant un enfant avec un TSA. Pour ce faire, elles se basent sur l’auto-évaluation que font 58 familles (29 parents natifs, 29 parents immigrants) de leur satisfaction vis-à-vis de leurs interactions familiales, de leurs habiletés parentales, de leur bien-être émotionnel, physique et mental et, enfin, du soutien lié au handicap.
Être parent d’un enfant avec un TSA n’est pas qu’obstacles et difficultés ! Malgré les défis qu’entraîne ce diagnostic, qu’elles soient natives du Canada ou d’ailleurs, les familles sont globalement satisfaites de leur qualité de vie. Ce constat met en évidence les aspects positifs de leur expérience, comme le développement de stratégies d’adaptation (nouvelles habitudes de vie, gestion du stress, etc.) qui ont un effet bénéfique sur leur qualité de vie.
Cela dit, si on gratte un peu, la satisfaction des parents canadiens semble meilleure ! Les familles immigrantes sont plus susceptibles de remettre en question leur qualité de vie que les familles canadiennes natives, constatent les chercheuses. Pourquoi ?
Du manque d’aide nait l’isolement
L’accompagnement : une ressource clé pour ces familles, mais une ressource peu accessible pour les parents immigrants. Or, c’est connu, le soutien social, l’accès à des ressources et l’implication des membres de la famille élargie favorisent la résilience, l’adaptation et la qualité de vie. Selon l’étude, les parents immigrants sont les « parents pauvres » du réseau de soutien puisqu’ils sont presque trois fois plus nombreux à déclarer ne pas avoir accès à une aide extérieure. Ajoutons à cela une méconnaissance du système de santé et des services sociaux, ainsi que le risque d’isolement social, et il devient clair que les familles immigrantes sont un pas derrière leurs homologues canadiennes.
Des pistes de solution ? S’ils demeurent au Québec, inclure les membres de la famille élargie dans les programmes d’intervention psychosociale auprès des enfants avec un TSA, ou favoriser les séances d’information en groupe pour donner l’occasion aux parents de former un réseau de soutien. Autrement, développer des services d’information pour ces familles immigrantes est une solution envisageable.
Diagnostic et adaptation : des facteurs de tension dans les familles
En plus du soutien extérieur, les parents canadiens sont plus satisfaits de leurs interactions familiales que les parents immigrés. Voilà qui contribue à leur qualité de vie. Il va sans dire qu’avoir un enfant avec un TSA affecte directement les interactions entre les membres de la famille, notamment en raison des déficits de communication inhérents à ce handicap. De plus, au-delà du diagnostic, les parents immigrants doivent s’adapter à la culture et aux valeurs de leur pays d’accueil, ce qui peut créer des tensions supplémentaires.
Rôle parental : plus facile pour les familles immigrantes
Le rôle parental : seule dimension pour laquelle les familles immigrantes s’avèrent plus satisfaites que les familles natives. Le fait qu’une grande proportion de mères immigrantes de l’étude soient des femmes au foyer peut expliquer ce sentiment de satisfaction. Elles ont peut-être plus de temps pour prendre soin, éduquer et soutenir l’enfant. De plus, les parents de l’étude natifs du Canada sont plus anxieux que les parents immigrants dans leur relation avec l’enfant, ce qui peut expliquer leur plus grande insatisfaction dans leur rôle parental.
Et les différences entre les mères et les pères ?
Insatisfaction, sentiment d’isolement et difficultés familiales : les résultats de l’étude lèvent le voile sur les défis supplémentaires que rencontrent les familles immigrantes d’enfant avec un TSA, ainsi que sur leur expérience et leurs besoins spécifiques.
Les auteures soulignent que les mères, qu’elles soient natives du Canada ou immigrantes, sont plus insatisfaites de leur vie familiale que les pères. Est-ce lié au fait que ce sont les femmes qui assurent la plus grande partie des soins de l’enfant ? Poser la question, c’est peut-être y répondre. Pour aller plus loin dans la réflexion, quelles sont les similitudes et les différences entre l’expérience de ces mères natives du Canada et celles issues de l’immigration ? Le ressenti des femmes immigrantes, mères d’un enfant avec un TSA méritent une attention tout aussi particulière que leur situation.