Mieux vaut prévenir que guérir, surtout lorsqu’il s’agit du développement de l’autonomie et des capacités d’un enfant. Pour y arriver, certains experts recommandent que parents et éducatrices fassent de la « prévention primaire » pour aider l’enfant à faire face aux stress quotidiens, à développer son courage et à le rendre moins vulnérable aux autres. Il n’existe pas de définition simple du concept de prévention primaire. Un peu à la manière d’un vaccin, cette méthode vise à prévenir les difficultés liées au développement des enfants. Elle propose d’outiller les enfants avant l’apparition des difficultés d’apprentissage.
Le concept de prévention primaire, apparu il y a maintenant plus de 50 ans, a trouvé ses adeptes dans les universités nord-américaines et québécoises dans les années 1980-90, et a depuis fait ses preuves auprès des enfants… mais également auprès des éducatrices. Selon ses adeptes, la démarche de prévention primaire influence le développement des enfants, mais aussi celui de l’intelligence émotionnelle des éducatrices. Plutôt que de succomber à la tentation d’encourager et de rassurer continuellement un jeune en difficulté, les éducatrices apprennent ainsi à maintenir leur rôle, en devenant un « guide qui aide l’enfant à développer son identité ».
C’est ce qu’explique Denise Normand-Guérette, professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal, dans un article publié dans la revue Psychologie préventive. Selon elle, il serait préférable que parents et éducatrices coordonnent leurs efforts pour diminuer le stress vécu par les enfants face au manque de cohérence entre les actions entreprises à la maison et à l’école. En interrogeant plusieurs éducatrices et parents qui ont adopté la méthode de la prévention primaire, la chercheure relève que certains répondants disent parfois avoir dû aller à l’encontre de leur instinct, pour le mieux-être de l’enfant.
Se coordonner pour le bien de l’enfant
L’important, lorsque la démarche est entreprise, c’est de coordonner les efforts faits à la maison par les parents et ceux faits à l’école par les éducatrices. Si l’enfant vit une difficulté, parents et éducatrices ne doivent pas pointer du doigt un responsable, mais plutôt s’unir et établir une relation de confiance mutuelle. Cette concertation entre les deux milieux accentuera le soutien offert à l’enfant.
Des pratiques à limiter
Quel parent n’est pas tenté d’encourager son enfant lorsqu’il le voit confronté à une tâche difficile? À petite dose, les encouragements ne sont pas à proscrire. Mais, selon les tenants de la prévention primaire, ils doivent être dosés avec précaution. En limitant les encouragements durant une tâche, on inciterait ainsi l’enfant à développer son courage, à se sentir capable d’agir par lui-même, renforçant par le fait même son autonomie. À l’inverse, le fait de le couvrir d’éloges pourrait le rendre dépendant à l’aide et à la validation.
Comment trouver un juste milieu? Selon l’auteure, parents et éducatrices doivent s’entendre sur les pratiques adoptées. Si les deux parties décident de réduire le nombre d’encouragements donnés à l’enfant devant une tâche ardue, elles doivent appliquer cette consigne de façon constante et cohérente. Attention, plusieurs recherches montrent qu’adopter cette pratique en classe sans l’adopter à la maison peut rendre l’enfant confus, provoquer du stress et même nuire à son développement.
La volonté de puissance
La prévention primaire mise sur le développement de la « volonté de puissance » de l’enfant. L’enfant qui demande un renforcement et des encouragements de la part des parents ou de l’éducatrice est à la recherche de sécurité. La volonté de puissance représente plutôt le sentiment de fierté d’avoir relevé un défi, d’avoir triomphé après avoir pris un risque ou après plusieurs essais et erreurs.
« Lorsque l’adulte l’aide, il cherche à faire diminuer les sentiments d’incapacité et d’infériorité ressentis au départ par l’enfant quand il s’est heurté à des difficultés. Or l’aide reçue de façon constante alimente ces sentiments, car l’enfant constate qu’il ne parvient pas par lui-même à surmonter les obstacles pour réussir à accomplir la tâche. »
La prévention primaire prescrit donc un dosage du renforcement fourni aux enfants, tant à la maison qu’à l’école. Les encouragements doivent servir à rassurer l’enfant et à ce qu’il réussisse à terminer sa tâche… seul! Les encouragements peuvent également être fournis rétroactivement.
Une fois la tâche terminée, une mention du type « Tu as travaillé fort, hein! » valorise l’effort fourni.
« En donnant une rétroaction sur l’effort fourni, [on] cherche plutôt à transmettre le message qu’il est plus important que l’enfant apprécie lui-même son travail et ses efforts à la place d’attendre l’approbation et les félicitations de l’adulte. [On] met aussi l’accent sur le développement de l’identité humaine. »
La confiance au quotidien
Lorsque l’enfant est confronté à une tâche ardue, les tenants de la prévention primaire recommandent qu’il persévère par lui-même pour ensuite savourer le fruit de ses efforts et de sa réussite. Selon cette approche, le parent ou l’enseignant devrait se garder de lui fournir des encouragements à répétition. C’est plutôt une fois la tâche réussie que devrait s’exprimer le renforcement. Ce sont les grandes lignes de la prévention primaire, un concept qui vise à fournir un sentiment de confiance, d’autonomie, de valorisation de soi aux enfants afin que ceux-ci soient en mesure d’affronter leur quotidien.