Anthony a toujours aimé jouer à la poupée. Lorsqu’il était petit, il voulait porter des robes et se maquiller comme sa grande sœur. Ses comportements n’inquiétaient pas trop ses parents. « Il est jeune, ça va lui passer », disait sa mère. « Ce n’est qu’une phase », pensait son père. Mais un jour, à quatorze ans, Anthony se confie à ses parents : il s’est toujours senti… comme une fille. Il est un elle, et souhaite changer son nom pour Amélie. Elle veut que l’on emploie des pronoms féminins pour s’adresser à elle et commencer un traitement hormonal afin d’amorcer sa transition. Cette nouvelle a l’effet d’une bombe sur les parents : qu’avaient-ils fait de mal? Était-ce de leur faute? Comment l’annoncer à la famille élargie, à l’école?
Une fois passé le choc initial, les parents doivent s’adapter à une nouvelle réalité, faire face à plusieurs difficultés et, sur ce parcours, parfois recourir à des services de soutien.
L’auteure de cette étude a analysé des articles scientifiques publiés entre 1995 et 2015 traitant de l’expérience des familles d’enfants trans afin de faire le point sur leur situation et d’identifier les pistes d’intervention à privilégier.
L’angoisse des parents
Les parents d’enfants trans peuvent ressentir beaucoup d’anxiété; ils craignent, notamment, la réaction des membres de la famille élargie, de l’entourage. Ils se questionnent aussi beaucoup par rapport à certaines décisions : doivent-ils laisser leur fils trans aller à l’école habillé « en garçon », ou vice et versa? Lui permettre d’entamer des traitements hormonaux? L’appuyer dans ses démarches pour changer d’identité légale? Ils sont nombreux à craindre de futurs regrets.
« L’anticipation à l’égard d’un regret ou d’une récrimination future de la part de leur enfant est également vécue comme un lourd fardeau pour les parents, et plusieurs peuvent se sentir sous pression, par volonté de vouloir prendre la bonne décision ou adopter la meilleure posture. »
« Réapprendre le genre »
L’identité trans était auparavant considérée comme un trouble de l’identité sexuelle par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), un ouvrage qui classifie les problèmes de santé mentale. Depuis la publication de la cinquième édition du DSM en 2013, on parle maintenant de dysphorie de genre, qui définit cet état comme un mal-être, une souffrance, et non une maladie.
Selon l’auteure, les professionnels (ex : psychologues, travailleurs sociaux) devraient éviter de percevoir négativement le fait qu’un enfant ne s’identifie pas à son sexe de naissance. Elle recommande les thérapies « transaffirmatives », qui soutiennent l’identité de genre plutôt que les thérapies de conversion, qui, à l’inverse, visent à modifier cette identité. Ce type de thérapie est de plus en plus controversé, voire interdit dans certaines régions, notamment en Ontario depuis 2015.
Les associations de travailleurs sociaux et de psychologues[1] recommandent maintenant les thérapies transaffirmatives. C’est donc sous cet angle qu’ils interviendront auprès des enfants, mais aussi des parents, en les outillant pour mieux accepter la situation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la famille.
« Soutenir les parents dans le processus d’acceptation est essentiel afin de les aider à plusieurs niveaux : à repérer des ressources d’aide pertinentes et actuelles, à composer avec la stigmatisation et à développer des stratégies visant à mieux défendre les droits de leur enfant. »
Selon l’auteure, les thérapies transaffirmatives ont de nombreux bénéfices, tant pour les enfants que leurs parents. D’après une étude[2], les jeunes recevant des services qui appuient leur identité de genre « présenteraient moins de problèmes de comportement que les jeunes […] suivis selon des thérapies réparatrices ou de conversion. » Ce type d’approche améliorerait également la santé, le bien-être et la qualité de vie des personnes trans[3].
Du soutien pour toute la famille
Les jeunes trans font partie des populations les plus vulnérables de la société. Cependant, leurs parents vivent aussi des difficultés, bien qu’elles soient différentes. Afin de venir en aide à ces familles, l’auteure de cette étude a co-fondé Enfants transgenres Canada (maintenant Jeunes identités créatives). L’organisme s’est donné pour mission de sensibiliser la population à cet enjeu, en plus d’offrir du soutien aux parents et enfants transgenres.
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[1] Association canadienne des travailleurs sociaux (ACTS), Association canadienne des écoles de travail social (ACFTS), American Psychological Association (APA), 2015.
[2] Hill et coll., 2010.
[3] Wittin, 2003.