La paternité est une expérience bouleversante dans la vie d’un homme. L’engagement du père envers son enfant et son épanouissement personnel vont dépendre de la manière dont il arrive à s’adapter à cette paternité. C’est un moment stressant qui peut l’être encore plus quand le père est jeune et en situation économique précaire. Quels sont les facteurs qui vont influencer l’adaptation à la paternité de ces jeunes hommes ayant peu de revenus?
Pour en savoir plus, l’auteur principal de l’étude a interrogé douze hommes âgés de moins de 25 ans, en couple, et pères d’un enfant âgé de deux mois à un peu plus d’un an. Les participants vivaient une situation économique précaire, définie par un revenu familial annuel inférieur à 30 000 dollars.
Prendre part à la décision
D’après la littérature, les hommes jeunes en difficulté économique sont susceptibles d’avoir une sexualité précoce et plus à risque, en terme de nombre de partenaires et de contraception.
Dans le contexte de cette étude, pour les participants, l’arrivée d’un enfant au sein du couple n’avait pas été planifiée. Or, d’après les auteurs, « le sentiment d’avoir réellement eu le choix ou non influence la manière dont ces pères ont vécu leur paternité ». Tous les répondants ont « pris part, à divers degrés, à la décision de garder ou non l’enfant » mais certains « ont [eu] le sentiment que la paternité leur a été davantage imposée ».
Comme l’exprime Paul, « Ça [l’adaptation] a été plus difficile parce que j’avais de la rancune, parce que je ne me sentais pas bien. (…) Je sentais qu’elle [la conjointe], [m’avait] poussé là-dedans ».
Ma conjointe, mon amie
La qualité de la relation avec la conjointe est un élément très important de l’adaptation à la paternité. Pour la majorité des répondants, la conjointe est le soutien le plus important. Quand ils sont tristes ou stressés, c’est vers elle qu’ils se tournent avant toute autre personne,
« Il y a ma blonde qui est beaucoup là pour m’écouter. (…) C’est certain qu’en premier lieu, c’est vers elle que je vais. » – Éric
La majorité des pères estime que l’arrivée de l’enfant a eu un impact positif sur leur couple, par exemple en favorisant l’entraide. Pour les auteurs, « la qualité de la relation conjugale et le soutien de la conjointe représentent une part importante dans le processus d’adaptation ».
Les conflits de couple, inévitables quand on vient d’avoir un enfant, semblaient prendre une place plus importante quand le père avait eu le sentiment d’une paternité imposée.
Les relations plus ou moins cordiales avec la belle-famille influencent aussi l’expérience de la paternité. La moitié des pères étaient en conflit avec la belle-famille, ce qui les « privent souvent (…) d’importantes sources de soutien social ». Or, le soutien familial, de même que celui des amis, est jugé « déterminant dans [le] processus d’adaptation à la paternité », et ce tant au niveau émotionnel que matériel.
Concilier le travail et la famille
L’adaptation à la paternité est aussi influencée par les conditions financières de la famille. Selon les chercheurs, « l’arrivée de l’enfant a le potentiel de créer un stress financier et matériel important ». Pour certains des pères rencontrés, subvenir aux besoins de l’enfant s’est parfois avéré difficile : « vu qu’on avait pu vraiment d’argent, on n’avait pas de couches pour la petite » – Éric.
La capacité à concilier travail-famille participe aussi au processus d’adaptation à la paternité. Les pères ayant un faible niveau de scolarité et un emploi précaire éprouvent plus de difficultés à se libérer pour la famille. Par exemple, un père rapporte n’avoir pas pu se faire remplacer à son travail pour assister aux cours prénataux. Or, d’après les auteurs, « l’ouverture et la flexibilité de l’employeur à la conciliation travail-famille peut aussi influencer l’adaptation à la paternité ».
De manière générale, les pères les plus scolarisés développent davantage de stratégies d’adaptation. Ils vont, par exemple, changer d’emploi ou encore, s’ils sont aux études, réaménager leurs horaires de cours en fonction de leur nouvelle vie.
Un soutien insuffisant
Les participants ont eu recours à différents types de soutien : bons d’épicerie, paniers de Noël, programme OLO (œuf, lait, orange), etc. Les auteurs soulignent toutefois que les programmes existants ne sont pas toujours adaptés à la réalité des jeunes pères, par exemple en ce qui concerne le congé de paternité. Actuellement, le Régime québécois d’assurance parentale verse environ 75 % du revenu aux pères souhaitant prendre un congé de paternité. Or, selon les auteurs, « plusieurs participants semblaient difficilement en mesure de se priver d’au moins 25 % de leur revenu pour plusieurs semaines ».
La qualité de la relation conjugale, la capacité à concilier travail et vie de famille mais aussi le fait d’avoir participé à la décision d’avoir un enfant sont des facteurs qui influencent beaucoup l’expérience de la paternité. Les témoignages des jeunes pères mettent aussi en évidence l’importance du réseau social dans leur adaptation à la paternité.
En conclusion, les auteurs soulignent l’importance « d’ajouter aux efforts de prévention des grossesses non planifiées (…) en particulier pour les jeunes hommes en contexte économique précaire, population chez qui on observe une précocité sexuelle ». Les auteurs proposent la tenue de rencontres pré et post natales destinées spécifiquement aux jeunes pères. Les professionnels de la santé seraient ainsi plus en mesure d’évaluer leurs besoins et de mettre en place des formes de soutien qui leur sont adaptées.