Lorsqu’il est question de réussite scolaire, l’environnement socioéconomique des élèves compte pour beaucoup plus que l’éducation elle-même, tel que l’ont démontré de nombreuses recherches. Chez les élèves, les impacts de la pauvreté se font sentir à toutes les étapes du cheminement scolaire, depuis la maternelle jusqu’aux études universitaires.
Danielle Filion, diplômée en travail social et engagée au niveau communautaire, tente de mieux comprendre l’influence du statut socioéconomique des familles québécoises sur le parcours scolaire des jeunes. Pour ce faire, elle utilise les études publiées par différents ministères (ministère de la Santé et des Services Sociaux; ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport), par des organismes parapublics (Institut de la statistique du Québec; Institut national de santé publique du Québec [INSPQ]) et par plusieurs chercheurs universitaires.
L’école, ça commence à la maison
Le contexte familial est à la base d’un parcours scolaire réussi, et ce dès la maternelle. Pour être en mesure de réussir et de progresser en classe, l’enfant doit bénéficier d’un environnement familial qui subvient à ses besoins de base.
« Ventre affamé n’a pas d’oreilles », nous rappelle l’auteure. En effet, comme l‘affirme l’INSPQ, « la prise d’un petit déjeuner a un effet positif sur le niveau d’énergie, la mémoire, la capacité à résoudre des problèmes ». La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a créé, il y a 20 ans, la Mesure alimentaire, un programme voué à diminuer l’impact de la pauvreté alimentaire sur le parcours scolaire des jeunes. Pour l’année scolaire 2010-2011, 12 300 élèves ont eu recours aux petits déjeuners à 0,50 $ par jour fournis par le programme.
Autre problème : les familles pauvres ne disposent pas toujours d’un environnement adéquat pour soutenir l’apprentissage à la maison.
« Certains enfants de familles pauvres mal logées ne disposent pas d’un lieu approprié pour faire leurs devoirs à la maison. C’est le cas des familles qui habitent un logement surpeuplé ou qui vivent une situation de très grande précarité. Katia Gagnon, journaliste à La Presse, résume les propos d’enseignants de l’école Jules-Verne à Montréal-Nord : ‘’Chez eux, il n’y a souvent pas de place pour coucher, même pas de table pour souper. Comment leur dire qu’il faut prévoir une petite place pour faire des devoirs? ’’ »
C’est également une question de disponibilités et de compétences parentales. Le stress chronique, le surmenage au travail, la dépression, les conditions de vie difficiles, toutes choses liées à la pauvreté agissent sur la capacité des parents à offrir un soutien suffisant à leur enfant. Le plus souvent, la pauvreté est aussi associée à des lacunes en éducation : « la faible scolarisation des parents, particulièrement celui de la mère, est très étroitement liée aux résultats scolaires des enfants », souligne Filion.
Des difficultés d’apprentissage au décrochage scolaire
Les enfants les plus pauvres ont 34 % plus de risque de se retrouver en situation de vulnérabilité scolaire et ne pas être en mesure d’intégrer les différents apprentissages, et ce dès la maternelle. C’est ce que révèlent l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ) et l’Enquête sur la maturité scolaire des enfants montréalais. Au deuxième cycle du primaire, « trois fois plus d’enfants issus des milieux plus défavorisés présentent un retard scolaire ». Une fois au secondaire, les enfants issus de familles pauvres courent trois fois plus de risque de vivre des difficultés d’apprentissage et des troubles de comportement.
Le manque de soutien, les retards scolaires et les échecs sont tous des ingrédients dans la recette du décrochage scolaire. Ce dernier n’est donc pas le fruit d’un coup de tête, mais plutôt « l’aboutissement d’un long processus qui trouve son origine dans la petite enfance, dans le milieu familial ». C’est pourquoi, nous dit l’auteure, la lutte à la pauvreté est le meilleur outil pour éradiquer le décrochage scolaire.
Moins de pauvres à l’université
Depuis les années 1960 (suite à la réforme Parent), le nombre de jeunes ayant accès aux études universitaires a explosé, passant de 7 %, en 1960, à 45 %, en 2012. Malgré ces progrès notables, les jeunes issus de familles moins nanties y sont toujours sous-représentés. L’origine socioprofessionnelle de la famille semble encore jouer un rôle important dans l’accessibilité aux études supérieures.
L’endettement est aussi un frein à l’accessibilité aux études supérieures. Les données de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) montrent que « plus la famille de l’étudiant est pauvre, donc incapable de l’aider financièrement pendant ses études, plus le fardeau de la dette de ses études sera lourd ». Comme l’explique Filion, « on peut penser que le fait de se savoir si endetté avant même d’avoir commencé à travailler peut en décourager plus d’un ».
S’attaquer au vrai problème
L’origine socioéconomique d’une famille a donc un impact sur le parcours scolaire des jeunes, et ce dès la petite enfance. Les impacts de la pauvreté ne se font pas seulement sentir à l’école. Les recherches démontrent qu’elle est aussi liée aux problématiques de consommation de drogue, ainsi que de violence conjugale et familiale. Il y a 1001 raisons de s’attaquer à la pauvreté. Miser sur la réussite scolaire des futures générations serait un bon point de départ.