Congés de maternité et de paternité, revenu assurable, nombre d’heures en emploi, congés partageables, pourcentage des prestations : les congés parentaux prennent différentes formes… et reflètent différents choix de société. À l’intérieur du Canada, c’est au Québec que l’accès à ces précieux congés est le plus facile.
Les chercheuses Sophie Mathieu, Andrea Doucet et Lindsey McKay mesurent l’accès au congé parental dans quatre provinces canadiennes : le Québec, l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta. À l’aide de données tirées de l’Enquête sur la couverture de l’assurance-emploi de 2000 à 2017, complétées avec des données administratives du Conseil de gestion de l’assurance parentale du Québec, elles constatent que l’accès au congé parental varie grandement entre les provinces, avec le Québec et l’Alberta aux extrémités.
Vouloir versus pouvoir
C’est bien beau d’avoir le meilleur congé parental du monde, mais encore faut-il y avoir accès! À ce titre, le Québec fait bonne figure, grâce au Régime québécois d’assurance parentale. Depuis son implantation, la proportion des mères recevant des prestations a littéralement bondi : d’un peu plus de 60 % avant 2006 à plus de 80% de 2012 à 2017! À titre comparatif, l’Alberta – dernière de classe en la matière – stagne à environ 55 % des mères.
Comment est-ce possible? Grâce aux critères d’admissibilité plus ou moins contraignants du RQAP. Au Québec par exemple, les parents doivent avoir gagné au moins 2000 $ dans la dernière année (environ 140 heures au salaire minimum de 14,25 $/heure) pour être admissibles au régime. En utilisant un revenu plutôt qu’un nombre d’heures, des personnes qui occupent un emploi non traditionnel, comme des employés à temps partiel, à contrat, les travailleurs et travailleuses autonomes de même que la communauté étudiante, ont plus facilement accès au congé. Pour les prestations dans les autres provinces, c’est plutôt après 600 heures d’emploi assurable (ce qui exclut les types d’emploi qui ne sont pas sous l’assurance-emploi comme les travailleurs et travailleuses autonomes) qu’un parent devient admissible à un congé parental.
En plus des différences entre les congés parentaux, chaque province et territoire a ses propres normes du travail qui garantit – ou non! – l’accès à un congé non rémunéré de son emploi. En Alberta, il faut être à l’emploi du même employeur pendant 90 jours pour partir en congé avec un emploi protégé. En Ontario, le délai s’élève à 13 semaines! Que se passe-t-il sinon? Les personnes qui sont employées peuvent avoir accès à un congé, mais leur employeur n’est pas tenu de le leur donner… Et surtout, leur emploi n’est pas garanti. Or, partir en congé est difficile quand on ne sait pas si l’on pourra le récupérer à son retour. Au Québec et en Colombie-Britannique, les parents peuvent souffler : aucun temps à l’emploi minimal n’est requis.
Un congé qui n’a pas de prix?
À quelle condition les parents ne peuvent échapper lorsqu’il est question de congé parental? À l’emploi! Tous les parents en congé parental sont en emploi, et les autrices sont d’ailleurs critiques à ce sujet : si un parent peine à joindre les deux bouts, ce sera toujours le cas durant son congé parental. La question se pose : est-ce qu’un parent peut vraiment se permettre de ne gagner qu’un pourcentage de son salaire si sa situation financière est déjà précaire?
Le Québec n’échappe pas à cette dure réalité, mais limite les dégâts. Les mères du Québec dont le revenu familial est de moins de 60 000$ accèdent au congé dans une proportion de 77,5 %. C’est près de 15% de moins que celles au revenu familial supérieur à 60 000 $. D’ailleurs, ces dernières sont les championnes du congé de maternité à travers le pays, avec une proportion de 91,5 % qui accède au congé de 2012 à 2016.
Le Québec n’échappe pas à cette dure réalité, mais limite les dégâts. Les mères du Québec dont le revenu familial est de moins de 60 000 $ accèdent au congé dans une proportion de 77,5 %. C’est près de 15 % de moins que celles au revenu familial supérieur à 60 000 $. D’ailleurs, ces dernières sont les championnes du congé de maternité à travers le pays, avec une proportion de 91,5 % qui accède au congé de 2012 à 2016.
Mais quand on se compare, on se console! Par exemple, 53,2 % des mères de l’Alberta dans les ménages sous 60 000 $ reçoivent des prestations de congé parental, la plus faible proportion des quatre provinces. La proportion des mères du Québec au revenu familial inférieur à 60 000 $ qui reçoivent des prestations parentales est plus grande que celles au revenu familial de plus de 60 000 $ en Alberta (72,6 %) et en Ontario (74,8 %)! Quant à l’écart entre les deux catégories de revenus, il est bien plus grand en Colombie-Britannique, avec près de 25 %.
Congé de paternité : l’œuf ou la poule?
Encore aujourd’hui, le Québec est le seul État en Amérique du Nord à offrir aux pères un congé qui leur est exclusif : cinq semaines non transférables pour accueillir leur nouveau-né, et l’effet est incontestable. De 2012 à 2017, près de 80 % des pères québécois ont ainsi pu en profiter. Parmi les autres provinces qui offrent seulement un congé parental pour les deux parents, la Colombie-Britannique arrive en seconde place avec… un petit 12 % de pères chanceux d’avoir reçu des prestations parentales!
Les pères d’ici montraient déjà des signes en faveur du congé parental, même avant l’adoption du RQAP. De 2000-2005, c’est plus de 15% des pères québécois qui reçoivent des prestations parentales. Cela peut sembler peu, mais c’est tout de même bien plus que dans les trois autres provinces (5,1 % pour l’Alberta 7,3 % pour la Colombie-Britannique et 8,4 % pour l’Ontario). Pour les autrices, c’est signe qu’il existe probablement des différences culturelles entre la province francophone et ses voisines. Les législateurs ont-ils vu cette tendance avant de proposer cette nouvelle formule, ou bien est-ce le RQAP qui a nourri cet engouement? Probablement un peu des deux.
Les mœurs continuent d’évoluer au Québec. Entre 2006 et 2017, les pères sont de plus en plus nombreux à se prévaloir de semaines de congé parental partageables : leur proportion a grimpé de 30 % à 37 %. Pour les autrices, c’est le signe que les couples sont toujours plus nombreux à choisir de partager le congé parental.
Vers plus de partage ou plus de congés?
Au Québec comme ailleurs, les programmes de congés parentaux continuent de s’adapter à réalité des parents. La province francophone a choisi de bonifier de quatre semaines le congé partageable dès que chaque partenaire utilise huit semaines de ce congé. Le programme canadien veut lui aussi encourager un meilleur partage. S’il ne propose toujours pas de congé réservé aux pères, le programme offre aux couples cinq semaines supplémentaires si l’autre conjoint décide de rester à la maison. Aussi, plutôt qu’un congé en accéléré comme au Québec, les parents des autres provinces peuvent choisir d’étirer leur congé de 35 semaines à 55 % du salaire, à 61 semaines à 33 % du salaire. Le régime fédéral et le régime québécois vont donc parfois dans la même direction… et parfois carrément en sens inverse!