En classe de maternelle 3 ans en France, assis calmement, des petits pratiquent leur alphabet. Dans une salle de CPE pleine de jouets et d’opportunités, des enfants chantent des comptines avec leur éducatrice. Les deux façons de faire comportent leur vision de l’éducation et leur spécialité. Mais laquelle est meilleure pour le développement des jeunes enfants ? Il semble que les salles de jeu soient meilleures que les salles de classe !
Une équipe de chercheurs québécois et français ont comparé 41 classes de maternelle trois ans en France et 40 centres de la petite enfance (CPE) au Québec. Leur objectif : mesurer la qualité des interactions des enfants avec les adultes ainsi que la qualité dans la gestion et l’organisation des établissements, à l’aide d’observations sur le terrain et de questionnaires remplis par les enseignantes et les éducatrices. Dans l’ensemble, les CPE se démarquent de leurs homologues français pour la qualité de l’apprentissage et de l’environnement.
Jouets ou crayons ?
Que le meilleur gagne ? Plutôt que le meilleur joue ! Selon l’équipe d’experts, le modèle québécois, qui choisit une approche plus centrée sur l’enfant et ses choix, apporte des résultats satisfaisants. Pas de notes ou de matière à apprendre ici : l’enfant suit son rythme avec une éducatrice qui l’accompagne dans ses découvertes, à travers le jeu et l’apprentissage naturels pour cet âge.
De l’autre côté du spectre se trouve une approche plus axée sur la préparation à l’école, comme en France. Une enseignante accompagne son groupe dans l’apprentissage formel de l’alphabet, des chiffres et de l’écriture en suivant un programme scolaire bien établi. Plus d’encadrement, moins d’activités. Les enfants suivent un programme éducatif plus formatif, mais qui laisse moins de place à l’exploration.
À première vue, le modèle des CPE semble donner de meilleurs résultats. Le soutien émotionnel et l’organisation de la classe reçoivent des notes élevées sur le plan de la qualité, alors que la France obtient un niveau variant de moyen à élevé pour ce même critère. La faute à la gestion et l’organisation des établissements ? Oui et non.
Spécialité : petite enfance
C’est la qualité qui compte, et non la quantité ? Pour se spécialiser en petite enfance, c’est bien vrai ! Les éducatrices en CPE passent moins de temps sur les bancs d’école que leurs homologues françaises. Elles suivent trois ans de formation pour obtenir un diplôme d’éducation collégiale en éducation à l’enfance. De l’autre côté de l’Atlantique, les enseignantes suivent plutôt l’équivalent du baccalauréat en enseignement primaire québécois. Une fois ce diplôme obtenu, elles peuvent enseigner autant en maternelle qu’en élémentaire, l’équivalent du primaire. Malgré leurs études plus courtes, les éducatrices offrent une meilleure qualité d’éducation aux enfants. Pourquoi ?
Selon les chercheurs, les éducatrices québécoises sont davantage spécialisées dans le développement des enfants de 0 à 5 ans. Leur formation se concentre sur les besoins des tout-petits, ce qui débouche sur une meilleure intervention. Du côté de la France, une nouvelle spécialisation d’éducation à la maternelle existe depuis 2015, signe que les temps évoluent.
Penser petit pour enseigner grand
Ce n’est plus un secret : on est loin de la recette du succès lorsque les groupes d’enfants débordent ! En ce qui concerne le nombre d’enfants par groupe en CPE, la province fait de nouveau bonne figure. Les éducatrices s’occupent en moyenne d’un groupe de huit enfants. C’est beaucoup moins qu’en France où les classes comptent plutôt 21 enfants par enseignante en moyenne.
Pourquoi moins équivaut à mieux ? Selon les experts, les petits groupes permettent aux éducatrices de consacrer plus de temps à chaque enfant, et de développer un lien plus chaleureux et bienveillant avec chacun d’eux, ce qui est essentiel à cet âge.
Une formule gagnante, vraiment ?
Le portrait semble sans équivoque : les CPE au Québec sont un modèle qui fonctionne. Le portrait est cependant moins rose en prenant un pas de recul. Alors que la maternelle est obligatoire dès trois ans en France, ici, les parents peinent à trouver une place pour leurs bambins. Certains se résignent à aller vers le privé (subventionnés ou non) où la qualité est plus variable. La maternelle 4 ans au Québec sera-t-elle une façon de régler la pénurie de places et les conditions d’accueil des enfants ? Ou faudrait-il plutôt développer le réseau des CPE ? Si la forme est stimulante pour les petits, le fond est discutable pour les grands !