Près de la moitié des enfants québécois voient leurs parents se séparer avant leurs 15 ans. Situation bouleversante, surtout lorsque la rupture est conflictuelle. C’est pourquoi des programmes d’intervention de groupe existent pour les parents. Apaiser les conflits, promouvoir la coopération, soutenir l’enfant et prévenir des procédures judiciaires sont autant de mesures visées par ces mesures pleines d’espoir. Ont-elles les résultats escomptés ? Difficile de l’affirmer avec conviction.
Quatre chercheuses en psychologie et en travail social de l’Université du Québec à Trois-Rivières et de l’Université Laval examinent 25 études publiées entre 1970 et 2017. Leur but : statuer sur l’efficacité des interventions de groupe destinées aux parents qui vivent une séparation conflictuelle. Au Québec, ce sont les tribunaux, les services sociaux, ou les milieux communautaires qui mettent en place de telles dispositions.
Avant d’aller devant le juge
Quelles sont les options offertes aux parents québécois qui vivent une séparation ? Séance d’information obligatoire, médiation familiale, ou programmes de groupe offerts par des organismes communautaires. Tout d’abord, les parents en situation de séparation qui veulent être entendus par le tribunal doivent obligatoirement assister à une séance d’information gratuite. Dispensée par une personne du milieu juridique ou œuvrant en intervention psychosociale, cette rencontre les informe sur le choc de la séparation, sur l’exercice du rôle parental post-séparation et sur les dispositions légales à entreprendre. Ensuite, la médiation familiale peut être une option pour résoudre les conflits et pour faciliter la coparentalité entre les parents séparés. Enfin, des organismes communautaires ou établissements publics de certaines localités offrent des interventions de groupe qui combinent informations et exercices pratiques.
Intervention de groupe : sûrement efficace…lorsqu’elle est pratique
Si l’efficacité des programmes d’intervention de groupe est significative, elle n’est pas non plus d’une ampleur titanesque ! À l’heure actuelle, les résultats permettent uniquement de concéder l’amélioration de la coparentalité et la résolution de conflits. La théorie c’est bien, la pratique, c’est mieux ! En effet, il semble clair pour les chercheuses que l’efficacité des interventions de groupe augmente lorsqu’elles prévoient des exercices pratiques à faire à la maison, au lieu d’uniquement présenter des informations sur le processus de séparation et sur l’adaptation de l’enfant.
Utile, l’intervention de groupe ? Une question de temps !
Pour les parents en séparation conflictuelle, le temps ne fait pas toujours bien les choses ! Les chercheuses remarquent que les interventions de groupe sont significativement plus fructueuses pour les parents séparés depuis moins de 18 mois, que pour ceux qui sont séparés depuis plus longtemps. Autrement dit, les parents séparés depuis plus d’un an et demi qui décident d’entreprendre un programme d’intervention de groupe sont plus susceptibles d’entretenir une relation conflictuelle. Conclusion : il est impératif de dépister rapidement les séparations hautement conflictuelles avant qu’elles ne s’aggravent.
Les interventions de groupe, une vraie bonne idée, une fausse bonne solution. Si elles sont insuffisantes pour la prise en charge des situations les plus détériorées, elles restent tout de même pertinentes pour le dépistage et l’orientation vers des services spécialisés, tels que des séances orientées sur le ressenti des enfants, un suivi psychothérapeutique pour les familles ou encore un partenariat avec les intervenants psychosociaux et judiciaires.
Interventions de groupe : ne pas sauter aux conclusions trop vite !
Alors : efficaces ou pas les interventions de groupe ? Dur à dire, car les résultats sont encore loin d’être concluants. En effet, le manque de rigueur scientifique des 25 études sur le sujet diminue la force des conclusions de l’analyse, affirment les chercheuses. D’abord, les études utilisent souvent leur propre questionnaire « maison » — et non un outil standardisé — ce qui rend difficile la comparaison entre les résultats des différentes recherches. De plus, force est de constater que le petit nombre de participants et participantes de certaines études ne jouent pas en leur faveur. Enfin, plusieurs informations, telles que la nature volontaire ou obligatoire de l’intervention de groupe, le niveau de conflit des parents, ou l’âge des enfants, sont manquantes.
Disputes, conflits sévères et violence : une distinction cruciale à faire
Les interventions de groupe : à priori efficaces, mais les recherches futures devront inclure un groupe contrôle, énoncer clairement leurs cibles et objectifs et utiliser des outils de mesure standardisés, concluent les autrices. Par contre, sont-elles adaptées à l’ensemble des parents en processus de séparation ? Pour répondre à cette question, encore faut-il faire la différence entre les disputes, les « conflits sévères de séparation » et la séparation en contexte de violence. Ce type d’initiative peut effectivement être bénéfique pour les parents en séparation conflictuelle, mais elle soulève d’importantes préoccupations en contexte de violence conjugale. En outre, les intervenants de la Protection de la jeunesse, ou les tribunaux de la famille peuvent associer les situations de violence à un conflit entre les parents. Les conséquences : les services sociaux et le système pourraient ne pas prendre en considération le contrôle exercé par le conjoint violent, pourraient nuancer, excuser la violence, voire la reléguer à l’arrière-plan par souci du « meilleur intérêt de l’enfant ».