Placements instables, signalements répétés, familles d’accueil qui se succèdent, transition en centre jeunesse, famille biologique et d’accueil en concurrence : le parcours d’un enfant placé est souvent parsemé d’embûches. Comment améliorer les chances de voir l’enfant revenir auprès de sa famille biologique? Le maintien d’un contact de la part des parents biologiques serait une solution à privilégier, mais d’autres circonstances peuvent brouiller les cartes.
Karine Poitras et George Tarabulsy, respectivement chercheurs en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières et à l’Université Laval, abordent le lien entre le maintien des contacts entre les parents biologiques et leur enfant lors d’un placement, et la stabilité de l’enfant. Ils ont rencontré 43 enfants de 1 an à 3 ans et demi avec leurs parents d’accueil, ainsi que 48 mères et 6 pères biologiques de ces mêmes petits.
Maintenir le lien avec sa parenté
Lorsqu’un enfant doit sortir de sa famille, pas de temps à perdre : on doit placer le petit d’urgence, tout en évitant de multiplier les foyers d’accueil. Les travailleurs sociaux doivent ensuite préparer un plan d’action : où l’enfant ira-t-il vivre? Pour certains, la famille d’accueil est la meilleure option. Pour d’autres, c’est le retour dans la famille d’origine qui est envisagé. Les intervenants doivent alors se poser la question : comment favoriser un retour pour de bon chez les parents biologiques? Les chances sont plus grandes si maman ou papa continue ses visites pendant le placement, remarquent les chercheurs. En d’autres mots, les parents qui continuent de voir leur petit lorsqu’il est en famille d’accueil retrouvent plus souvent la garde.
Comment les enfants vivent-ils ces retrouvailles? Les contacts peuvent-ils devenir perturbants pour les petits, au point de les faire changer de famille d’accueil plus souvent? Non, selon ce que constatent les chercheurs. Les enfants qui avaient reçu la visite de leurs parents biologiques avaient des placements tout aussi stables que les autres.
Pourquoi les contacts plus fréquents favorisent-ils la réunification familiale? Pour certains parents biologiques, le placement est vu comme temporaire. Les auteures avancent que, motivés par cette courte échéance, ils consacrent peut-être plus de temps et d’énergie à leur progéniture.
Mais cette perspective doit aussi être vue au travers de la personne responsable du dossier, celle qui choisit la résidence de l’enfant. C’est à elle de juger si la réunification peut être un projet de vie pour le petit. Si elle estime de façon positive la reprise en main du parent biologique, ce dernier peut, là encore, se sentir motivé à s’investir davantage. Une source de motivation qui conduirait à plus de réunifications, rapportent les chercheurs. À l’inverse, si la personne responsable juge le parent inapte à s’occuper de son enfant, il est possible que ce dernier perde sa volonté de s’impliquer auprès de son petit après ce revers.
Les parents biologiques peuvent aussi influencer le retour de leur enfant. Au-delà du simple contact, c’est tout l’engagement parental qui importe pour une réunification réussie. S’ils parlent de leur enfant de manière positive, s’ils s’intéressent à son développement et s’ils prennent régulièrement de ses nouvelles, le voir revenir à la maison devient une idée concrète et plus probable, aux dires des chercheurs.
Malgré tout, le lien entre les visites et la réunification tient bon, même lorsque d’autres facteurs entrent en compétition. Il est toujours là même quand la famille d’accueil a un projet d’adoption, ou quand l’enfant est plus âgé… une belle preuve de ténacité de la part des parents biologiques.
D’accueil ou biologique : une décision prévisible?
Certaines conditions augmentent la probabilité qu’un enfant revienne vivre avec dans sa famille d’origine. Par exemple, durant l’enfance, plus un enfant est âgé lors du placement, meilleures sont ses perspectives de retrouver sa famille biologique, jusqu’à l’adolescence où les probabilités commencent à diminuer avec l’âge. La durée du placement pèse aussi dans la balance : plus l’enfant reste longtemps en famille d’accueil, moins le retour auprès de ses parents biologiques est probable.
Le niveau d’éducation renforce quant à lui les perspectives pour les familles d’accueil de voir l’enfant rester auprès d’elles. Plus il est élevé, plus grandes sont les chances que l’enfant demeure dans leur foyer. Les chercheurs s’inquiètent de cette situation, qui laisse croire que des intervenants jugent qu’une personne plus éduquée sait mieux comment s’occuper d’un enfant. Une question éthiquement délicate surgit : l’impression que les familles d’accueil éduquées sont de meilleurs parents fait-elle de l’ombre aux compétences parentales des familles biologiques?
Plus facile à dire qu’à faire
Des liens plus fréquents entre les parents de souche et leur enfant : une solution éprouvée au retour dans les familles biologiques? Pas vraiment. Malgré l’importance du lien parent-enfant pour un retour dans la famille d’origine, les enfants sont toujours peu nombreux à retrouver leur famille biologique. Dans le cadre de cette étude, les probabilités de retourner auprès de la famille biologique sont jugées faibles chez près de 65% des enfants rencontrés. C’est particulièrement vrai pour les poupons ou les enfants placés depuis longtemps.
Des intervenants au cœur de la décision
Si les contacts entre un parent biologique et son enfant sont de bon augure pour une réunification familiale, il n’en reste pas moins que la majorité des enfants placés à un jeune âge ne retournent pas vivre chez leurs parents. Pour eux, la ou les familles d’accueil seront leur avenir. Comment faire tourner le vent? Les chercheurs préconisent de valoriser l’engagement parental comme piste pour réunir les enfants à leur famille biologique. Après s’être assuré que les comportements du parent qui ont mené au placement se sont résorbés, il faut lui réapprendre à s’intéresser à son enfant, à prendre de ses nouvelles et à s’impliquer à ses côtés.