Vous venez d’immigrer au Canada avec vos enfants. Désorienté, vous faites face à de nombreux défis : nouvelle langue à apprendre, valeurs différentes, recherche d’emploi, éloignement de la famille élargie… Puis, un jour, le diagnostic tombe : vous apprenez que votre enfant a un handicap. Devoir s’adapter à la fois à un nouveau pays et à la prise en charge des difficultés de votre enfant vous semble insurmontable.
Afin de mieux cerner les besoins particuliers des parents migrants d’un enfant avec un handicap, les chercheures se sont intéressées aux types de services de soutien qu’ils utilisent. Elles ont aussi voulu connaître les facteurs qui influencent leur recours, ou non, aux services d’aide. Pour ce faire, elles ont mené des entrevues semi-dirigées auprès de 28 parents migrants de première génération qui ont un enfant avec un handicap et qui résident à Québec, à Montréal et à Gatineau. La moitié des enfants a reçu un diagnostic de trouble envahissant du développement, alors que les autres sont atteints de troubles tels qu’une déficience motrice cérébrale ou la trisomie 21.
Quels types de soutien utilisent les parents?
Les chercheures ont étudié le soutien dit « formel », c’est-à-dire l’aide apportée par des professionnels ou des organisations. Il se distingue du soutien informel, qui provient des proches (conjoint, famille, amis, voisins).
En général, les participants utilisent une dizaine de types de soutien. Les plus populaires sont : le soutien informationnel, l’accompagnement à la décision, le soutien éducationnel, le soutien psycho-social et le soutien financier. Tous les participants ont recours au soutien informationnel (informations sur la maladie de l’enfant) et à l’accompagnement à la décision (par exemple, l’aide d’une travailleuse sociale pour obtenir du transport adapté).
Tableau 1. Types de services de soutien utilisés par les parents : définitions et exemples
Une majorité mentionne aussi le soutien éducationnel (ex : ligne téléphonique donnant accès à des psychoéducateurs pour faciliter une intervention auprès de l’enfant), le soutien psycho-social (ex : intervenant dédié à la famille) et le soutien financier (ex : subvention en orthophonie). Enfin, seul un petit nombre de parents (7%) demande de l’aide pour des démarches juridiques.
Graphique 1. Types de services de soutien utilisés par les parents
Accepter la situation, c’est trouver des solutions
Dans quelles circonstances un parent demandera-t-il du soutien pour son enfant? Cela dépend, notamment, de la manière dont il s’adapte à la situation de ce dernier. Par exemple, un parent qui nie le problème ne considérera pas avoir besoin de services.
« Jusqu’à ce moment, je refusais d’accepter la situation. Je faisais encore mon deuil. J’étais dans le déni. Arrivé à l’hôpital, ils m’ont demandé si j’avais besoin d’un psychologue. J’ai dit « Non, je n’en ai pas besoin ». Je me sentais fort. »
À l’inverse, si le parent accepte la situation, il reconnaîtra plus facilement avoir besoin d’aide et sera plus enclin à chercher du soutien. De même, un parent ayant espoir que la situation de son enfant peut s’améliorer aura un comportement plus proactif qu’un parent pessimiste.
Comprendre le réseau de la santé : une clé
Les participants qui connaissent bien le fonctionnement du système de la santé sont mieux outillés pour obtenir du soutien. Quand on sait où aller chercher de l’aide, ça facilite les démarches!
« Moi, j’étais étudiant en sciences infirmières, ce qui fait que, au moins, je connaissais un peu les rouages. »
L’accès aux ressources peut être difficile dans certains cas, par exemple, lorsqu’un parent ne maîtrise pas bien la langue française. Il aura alors plus de difficulté à saisir les informations transmises, et ce, parfois, même en présence d’un interprète.
« Le mot spécial comme « autiste », l’interprète ne le comprend pas pour m’expliquer, ou « dysphasie ». Elle ne savait pas le mot de la langue d’origine pour m’expliquer. »
L’entourage : allié ou adversaire?
Le soutien des proches joue un grand rôle dans la décision des parents de se tourner, ou non, vers des services professionnels. Comme plusieurs migrants ne peuvent compter sur leur famille élargie, restée au pays d’origine, ils doivent trouver des solutions alternatives : soutien par téléphone, déplacement provisoire d’un membre de la famille, etc.
Parfois, la famille élargie et la communauté manifestent un désintérêt, et même du rejet, envers l’enfant avec un handicap et ses parents. Certains vont même jusqu’à attribuer au parent la responsabilité des difficultés de l’enfant. Dans de telles situations, le recours à l’aide formelle semble être la seule solution.
« J’essayais de voir des amis pour nous soutenir. Ça a toujours été « Parce que c’est comme ça que vous éduquez votre enfant. » C’était toujours de notre faute. »
Quand le parent est au bout du rouleau
Dans l’ensemble, les parents interviewés demandent de l’aide pour leur enfant et parlent peu de leurs propres besoins. Ils n’auront recours à du soutien personnel que dans de rares circonstances, par exemple en cas de fatigue psychique ou physique extrême. Certains parents, pour leur part, considèrent que la prise en charge de leur enfant est inhérente à leur rôle et rejettent donc toute forme de soutien formel.
Sensibiliser les intervenants
Peu d’études ont traité de la condition particulière des parents migrants d’un enfant avec un handicap, malgré l’augmentation de cette population au Québec. Ces parents peuvent être particulièrement vulnérables. Souvent éloignés de leur famille élargie, les parents migrants sont davantage dépendants de l’aide des professionnels. Selon les auteures, il serait bénéfique d’agir sur la formation des intervenants appelés à travailler avec ces derniers, afin de les sensibiliser aux défis particuliers qu’ils vivent au quotidien. Elles lancent l’idée que les recherches futures pourraient porter sur l’évolution des besoins de soutien des parents selon l’âge de l’enfant, un domaine encore peu exploré.