Anxiété, perte de l’estime de soi, isolement, absentéisme et décrochage scolaire : tel est souvent le lot des enfants victimes de violences à l’école.
Ce phénomène préoccupe autant les parents et les équipes scolaires que les chercheurs et les décideurs politiques. Au Québec, parmi les élèves de 4e, 5e et 6e année en école primaire, plus d’un enfant sur trois (38,4 %) serait la cible d’insultes de ses camarades d’école, et presque un sur quatre (23,8 %) aurait reçu des coups.
La collaboration entre l’école et la famille devient une clé d’action importante pour diminuer les risques et instaurer un « climat positif ». Des études[1] montrent que cela favorise la réussite scolaire et prévient le décrochage.
Pourtant, certaines embûches peuvent nuire à cette collaboration; un manque d’écoute de la part du personnel scolaire ou des parents ayant une conduite inappropriée peuvent rendre le dialogue difficile.
Les auteurs de cette recherche, qui fait partie d’une enquête plus vaste[2], ont donc cherché à connaître la perception des parents de la collaboration école-famille, dans le cas où leur enfant est victime de violence scolaire. Ils ont soumis un questionnaire anonyme à 4394 parents ayant un enfant fréquentant des classes du préscolaire et du primaire. Parmi eux, l’étude se concentre sur 461 parents qui ont fréquemment signalé des cas de violence envers leur enfant (plus de deux fois par mois). Un groupe de contrôle a été constitué avec 698 parents n’ayant jamais déclaré de violences. Les cas d’ « entre deux » (violences occasionnelles, non récurrentes) ont été retirés de cette analyse.
Une perte de confiance
Une étude de 2013[3] montre que les parents collaborent généralement bien avec l’école au début du parcours scolaire de l’enfant, mais que leur motivation diminue au fur et à mesure des années de fréquentation. Les résultats de la présente recherche le confirment : les parents ayant un enfant en âge préscolaire sont plus satisfaits de la collaboration école-famille que les parents des enfants plus vieux (4e, 5e et 6e années).
On peut voir dans le graphique ci-dessous que plus le nombre de signalements de cas de victimisation à l’école augmente, plus les parents ont une perception négative de la collaboration école-famille.
Selon les auteurs, cette baisse de satisfaction peut venir du fait que les parents ne détectent pas toujours rapidement les signes indicateurs des problèmes que leurs enfants rencontrent à l’école. Parfois, les intervenants choisissent d’attendre que la situation soit vraiment problématique avant d’impliquer les parents, ce qui peut affecter la confiance autrefois accordée à l’équipe scolaire et nuire à la collaboration.
La clé : communiquer
Lorsqu’ils se rendent compte que leur enfant est victime de violence, les parents ne savent pas toujours comment l’aider ou trouver le soutien adéquat. Pour tenter de résoudre le problème, ils emploient parfois des stratégies impulsives et malhabiles, qui entraînent des répercussions négatives, voire aggravent la situation.
De son côté, l’équipe scolaire peut manquer d’empathie ou d’ouverture. Des échanges tendus entre les parties peuvent mener à des impasses. Résultat : l’enfant reste seul avec son problème.
Les auteurs insistent : la communication est primordiale!
D’ailleurs, la persévérance de certains parents porte ses fruits : plus d’un tiers (40 %) de ceux qui ont signalé des cas de violence répétés se disent satisfaits de l’accueil et du soutien qu’ils ont reçus.
Une autre enquête[4] s’est intéressée à la collaboration école-famille avec des parents d’enfants violents. Dans 20 % des cas, ceux-ci sont restés des partenaires actifs dans le travail d’intervention auprès de leurs enfants, malgré les difficultés rencontrées.
Former le personnel scolaire
D’après une étude de 2006[5], les problèmes de violence à l’école non résolus peuvent « causer aux enfants des conséquences psychosociales et scolaires importantes qui risquent de persister à l’âge adulte ». D’où l’intérêt d’établir un partenariat solide, fondé sur une relation de confiance, entre la famille et l’équipe scolaire.
Encore faut-il que cette dernière soit capable de reconnaître les signes d’une situation de violence envers un enfant, une violence qui se manifeste parfois discrètement. Le personnel scolaire n’est pas toujours outillé adéquatement pour déceler et intervenir dans ce genre de situation. Par exemple, une étude révèle que 80 %[6] du personnel d’une école primaire québécoise ne bénéficie pas d’une formation initiale en prévention de la violence.
Les auteurs proposent de renforcer les formations en cours d’emploi, pour pallier à ces lacunes. D’après eux, cela permettrait non seulement un partenariat école-famille durable mais aussi une intervention plus efficace.
Ce travail de recherche est fondé sur une approche quantitative. Les auteurs proposent, pour une enquête ultérieure, d’interroger les parents sur leur vécu face à la situation de leur enfant et sur le soutien qu’ils ont reçu de la part de l’école. Un tel projet, de nature qualitative, pourrait faire ressortir les conditions à respecter pour maintenir la communication entre le personnel scolaire et les parents.
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[1] Deslandes, 1996, Juneau, 2000, Janosz et al. 2001
[2] Beaumont, C., D. Leclerc, E. Frenette, et M.-È. Proulx, 2014. « Portrait de la violence dans les établissements au Québec. » Rapport du groupe de recherche sur la sécurité et la violence dans les écoles québécoises, Québec, Chaire de recherche sur la sécurité et la violence en milieu éducatif.
[3] Nanhou, Desrosiers et Belleau, 2013
[4] Pasquin et Drolet, 2006
[5] Normand-Guérette, 2006
[6] Beaumont et al., 2014